19 novembre 2024
Nouvelle du monde
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FRANCE
Cass. Com., 26 juin 2024, n° 23-14.085
L’article L. 330-3 du Code de commerce impose au franchiseur la remise, à tout candidat à la franchise, d’un document d’information précontractuelle (DIP) contenant des informations sincères (listées à l’article R. 330-1 du même code) permettant aux candidats de s’engager en connaissance de cause dans la relation contractuelle avec le franchiseur.
Ce document doit être communiqué par le franchiseur au moins 20 jours avant la signature du contrat de franchise.
La jurisprudence relative à l’information précontractuelle des candidats à la franchise est très fournie, compte tenu de l’importance que cette information revêt pour les franchisés, qui doivent pouvoir évaluer le réseau qu’ils rejoignent et la pertinence de leur investissement avant de se lier au franchiseur pour plusieurs années.
Dans l’arrêt commenté, la chambre commerciale de la Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’étendue de l’obligation d’information incombant au franchiseur.
Les faits sont les suivants. Un franchiseur, animant un réseau de franchise de location de véhicules, avait conclu un contrat de franchise avec un franchisé. Ce dernier, ayant été mis en liquidation judiciaire quatre ans après la conclusion du contrat, il avait assigné le franchiseur en nullité du contrat de franchise et, subsidiairement, en résiliation aux torts exclusifs du franchiseur.
En l’espèce, le DIP avait été remis par le franchiseur dans les délais prescrits par la législation et même très longtemps à l’avance puisqu’il avait été communiqué 8 mois avant la signature du contrat.
A la date à laquelle il avait été remis, le DIP contenait l’ensemble des informations requises par l’article R.330-1 du Code de commerce.
Toutefois, entre la remise du DIP et la signature du contrat, plusieurs franchisés avaient fait l’objet de procédures collectives sans que le franchiseur juge utile d’en informer le candidat franchisé.
La Cour d’appel a rejeté les demandes du franchisé, soulignant qu’à la date à laquelle le DIP avait été remis, le document d’information précontractuelle était conforme aux dispositions des articles L.330-3 et R. 330-1 du Code de commerce.
Mais la Cour de cassation n’a pas vu les choses de cette façon et a cassé l’arrêt, considérant que la cour d’appel aurait dû rechercher à la fois si le franchiseur n’avait pas intentionnellement gardé le silence sur l’existence des procédures collectives et si cette information n’aurait pas dissuadé le franchisé de signer le contrat de franchise s’il l’avait eue.
Cet arrêt, qui se fonde sur l’article 1116 ancien du code civil relatif au dol, impose ainsi deux obligations au franchiseur, complémentaires de celles qui découlent des articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce :
Compte tenu de la réforme du droit des contrats, le franchisé pourrait aujourd’hui se fonder sur l’article 1112-1 du Code civil qui oblige « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
Afin d’éviter tout risque, il convient donc pour les franchiseurs de transmettre toute information importante de nature à influencer la décision des candidats à la franchise, y compris toute information dont il aurait connaissance postérieurement à la remise du document d’information précontractuelle, et avant de signer le contrat.
CA Rennes, 11 juin 2024, RG n°23/00945
Dans un arrêt en date du 11 juin 2024, la Cour d’appel de Rennes s’est prononcée sur le caractère distinctif des marques « Nachos » et « Nachitos Chicken » et sur la question de savoir si l’utilisation d’une marque ayant une sonorité proche de celle déjà utilisée par une autre société pouvait être considéré comme du parasitisme.
En l’espèce, la société Nachos Mexican Grill a déployé, depuis sa création en 2013, un réseau de restaurants sous enseigne « Nachos » proposant de la restauration rapide de type mexicain. Pour l’exploitation de son activité, elle a déposé, en 2019, la marque « Nachos » en classes 35, 39, 41 et 43 de la classification de Nice.
En 2020, une société Nachitos Groupe a déposé les marques « Nachitos Chicken » et « Nachitos » en classe 43 pour son concept de restauration rapide également de type mexicain mais proposant des spécialités différentes à base de poulet frit.
Nachos Mexican Grill a alors formé opposition à l’encontre des marques « Nachitos Chicken » et « Nachitos » puis a engagé une action en justice contre Nachitos Groupe.
Saisie de l’affaire en appel, la Cour d’appel de Rennes a d’abord rappelé, s’agissant de la validité de la marque « Nachos » que le caractère distinctif d’une marque s’apprécie : « à la date de son dépôt, par rapport à chacun des produits et services visés par l’enregistrement, et par rapport à la perception qu’en a le public auquel la marque est destinée », au visa de l’article L.711-2 du code de propriété intellectuelle, mais qu’il peut aussi « être acquis par l’usage ».
Or, en l’espèce, la Cour a relevé qu’à la date du dépôt :
La Cour en a conclu qu’à la date de son dépôt, la marque « Nachos » n’était pas distinctive car elle est « le simple signifiant du signifié « nachos » ».
En outre, la Cour n’a pas non plus retenu le caractère distinctif de la marque provenant de l’usage, considérant que le développement des restaurants sous enseigne « Nachos » n’était pas suffisant, que la notoriété de la marque auprès des clients sur le marché n’était pas suffisamment importante et que la notoriété acquise auprès des professionnels de la franchise était sans incidence sur la notoriété de la marque auprès des clients des restaurants et en livraison.
Pour l’ensemble de ces raisons, la Cour a conclu que la marque « Nachos » n’était pas distinctive et a prononcé sa nullité dans les classes 43 et 39.
Par ailleurs, la Cour d’appel de Rennes a considéré que « Nachitos Chicken » ne portait pas atteinte à la marque antérieure « Nachos Mexican Grill » puisqu’elles sont toutes deux des marques complexes et que la présence d’un terme non distinctif (en l’occurrence « Nachos ») de sonorité proche dans les deux marques est insuffisante pour engendrer un risque de confusion.
Enfin, la Cour d’appel de Rennes a souligné que les actes de concurrence déloyale reprochés aux sociétés du réseau Nachitos n’étaient pas démontrés puisque (i) le simple fait que deux marques aient une sonorité proche et qu’elles proposent de la restauration rapide mexicaine ne suffisait pas à établir le grief de contrefaçon et (ii) le parasitisme n’était pas établi : la société Nachitos Chicken ne se place pas dans le sillage de la société Nachos Mexican Grill puisqu’elle ne propose pas, au contraire de cette dernière, de produits avec un caractère sain revendiqué, mais plutôt des spécialités de poulet frits à la mexicaine.
Cass. Com., 5 juin 2024, n°22-20.930
En février 2014, la société La Française des Jeux (FDJ) avait conclu un contrat de mandat avec un exploitant de tabac lui permettant de commercialiser les jeux de la FDJ.
Quelques mois plus tard, en novembre 2015, la FDJ avait conclu un second contrat de mandat de vente avec un autre exploitant (cette fois ayant un hôtel-restaurant), situé à 15 mètres seulement du premier mandataire.
Le premier mandataire avait alors assigné la FDJ pour manquement à son obligation de bonne foi et de loyauté.
Dans un arrêt rendu le 16 juin 2022, la Cour d’appel de Versailles avait retenu que la FDJ avait effectivement manqué à ses obligations et avait condamné la FDJ à indemniser le mandataire au titre de son préjudice moral.
La FDJ s’était alors pourvue en cassation.
Elle faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de soutenir qu’elle avait manqué à son obligation de loyauté et de bonne foi contractuelle et mettait en exergue qu’en vertu des principes de liberté contractuelle et de liberté du commerce et de l’industrie :
Elle n’était pas tenue de justifier sa décision de contracter avec un autre mandataire dans la même zone de chalandise puisque le contrat l’y autorisait expressément.
La Cour de cassation a cependant rejeté le pourvoi de la FDJ et considéré, comme la Cour d’appel, que la FDJ avait manqué à son obligation de bonne foi.
Elle a retenu que même si les deux points de vente n’étaient en concurrence que pour une partie de la clientèle, le risque de transfert de celle-ci à cause du nouvel agrément donné par la FDJ ne pouvait être ignoré et que la justification de la FDJ de ce second contrat « du fait du dynamisme commercial de la ville » n’était pas suffisamment pertinente pour légitimer la nouvelle implantation du point de vente à 15 mètres seulement du premier.
La Cour de cassation a considéré que la Cour d’appel avait correctement contrôlé la conformité de l’exercice de la prérogative contractuelle de la FDJ avec son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat conclu avec le premier exploitant (en ce sens déjà : Cass. Com. 10 juillet 2007, n°06-14.768).
Cette décision s’inscrit dans un courant jurisprudentiel établi en matière de mandat (Cass. Com, 25 février 2003, n°99-20.147), qui s’applique d’ailleurs également dans les relations entre fournisseurs et distributeurs.
La décision est toutefois sévère car dans cette affaire, le mandataire n’avait, semble-t-il, pas rapporté la preuve du lien de causalité entre l’implantation du second mandataire et la baisse de ses ventes de produits de la FDJ et, au contraire, il apparaissait que c’est la baisse générale de son chiffre d’affaires qui avait entraîné une baisse des ventes de produits de la FDJ !
Ainsi, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir retenu le préjudice moral du mandataire (lié à sa « forte inquiétude quant à la pérennité de son commerce ») et sanctionné la FDJ à ce titre, ne pouvant retenir aucun préjudice financier, puisque celui-ci n’était aucunement démontré…
Cass. Com., 3 juillet 2024, n°21-14.947
S’il est désormais acquis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, l’inexécution dudit contrat par une partie, si cette inexécution lui a causé un préjudice (Cass. Ass. plén., 6 octobre 2006, n°05-13.255 ; Cass. Ass. Plén., 13 janvier 2020, n°17-19.963), la Cour de cassation vient d’apporter une précision importante visant à renforcer la sécurité juridique des contractants.
Dans l’affaire en question, une société spécialisée dans la fabrication de machines (la société Aetna) a fait transporter des machines en vue de leur exposition dans un salon professionnel et a confié à un prestataire (la société Clamageran) la prestation de manutention et de déchargement
Lors de cette prestation, l’une des machines a été endommagée et l’assureur du fabricant (qui est ici un tiers au contrat conclu entre le fabricant et le prestataire) a indemnisé Aetna et poursuivi Clamageran en paiement.
Dans un arrêt du 21 janvier 2021, la cour d’appel de Paris avait accueilli la demande de l’assureur et déclaré que les clauses limitatives de responsabilité issues des conditions générales conclues entre le fabricant et le prestataire, étaient inopposables au tiers au contrat.
Le prestataire a alors formé un pourvoi en cassation aux motifs que « lorsqu’un tiers invoque sur le fondement de la responsabilité extra contractuelle l’inexécution d’une obligation contractuelle, les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les cocontractants lui sont opposables ».
La Cour de cassation l’a suivi et a cassé l’arrêt de la cour d’appel au motif que « le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants », et ce, « pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même ».
Ainsi, la Cour affirme que les clauses limitatives de responsabilité stipulées dans le contrat sont opposables aux tiers, alors même que leurs actions sont de nature délictuelle.
La volonté de la Haute juridiction de ne « pas déjouer les prévisions du débiteur » nous semble devoir être approuvée, car elle assure la sécurité juridique. Comment concevoir en effet, que le fabricant ait des droits qu’il a accepté de limiter contractuellement, mais que son assureur, lui, soit exonéré de ces limitations ?
Cette solution interroge toutefois sur l’opposabilité aux tiers d’autres clauses contractuelles telles que les clauses aménageant la prescription ou encore les clauses attributives de juridiction. Affaire à suivre…
CA Paris, Pôle 5, ch. 16, 2 juillet 2024, n°21/17912
Dans cette affaire, une société française avait conclu, en 2004, avec une société suédoise un accord-cadre d’approvisionnement portant sur la commercialisation de distributeurs de serviettes en papier.
Pour régir leurs relations, les parties avaient retenu la loi allemande dans le contrat.
La société française, reprochant à son cocontractant d’avoir partiellement rompu leur relation en 2009, l’avait assigné en 2010 pour rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’ancien article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, devant le Tribunal de commerce de Lyon.
Celui-ci avait s’était déclaré incompétent en 2012, estimant que l’action était de nature délictuelle et que le lieu du fait dommageable étant en Suède, les tribunaux suédois étaient compétents.
Contestant la décision, la société française avait formé contredit devant la Cour d’appel de Lyon puis, après pourvoi en cassation, devant la Cour d’appel de Paris qui avait reconnu la compétence du Tribunal de commerce de Lyon en 2018. Cette décision avait à son tour fait l’objet d’un pourvoi en cassation qui avait été rejeté en 2019…
L’affaire est donc revenue devant le Tribunal de commerce de Lyon qui, jugeant cette fois sur le fond, a estimé dans une décision de 2021 que les dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce prohibant la rupture brutale de relations commerciales établies étaient constitutives d’une loi de police au sens de la convention de Rome sur la loi applicable aux actions contractuelles (aujourd’hui règlement de Rome I) et qu’elles trouvaient donc à s’appliquer au litige. Le Tribunal de commerce de Lyon a donc accueilli les prétentions de la demanderesse.
La société suédoise a alors interjeté appel de la décision devant la cour d’appel de Paris qui devait donc se prononcer sur la qualification de loi de police des dispositions précitées.
Adoptant le raisonnement de la 5e chambre du Pôle 5 dans de précédents arrêts (CA Paris, Pôle 5, Ch. 5, 8 Octobre 2020, n°17/19893 ; CA Paris, Pôle 5, ch. 5, 11 mars 2021, n°18/03112), la chambre 16 du Pôle 5 de la Cour d’appel de Paris a considéré que « s'il est constant que ces dispositions contribuent à la moralisation de la vie des affaires et sont susceptibles de contribuer au meilleur fonctionnement de la concurrence, elles visent davantage à la sauvegarde les intérêts privés d'une partie qui sollicite l'indemnisation d'un préjudice lié à la rupture d'un contrat privé, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme cruciales pour la sauvegarde de l'organisation économique du pays au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application. » (contra : CA Paris, Pôle 5, ch. 4, 9 janvier 2019, n°18/09522).
La Cour d’appel a, par conséquent, retenu l’application de la loi allemande au litige et… renvoyé les parties devant le Tribunal de commerce de Lyon pour juger sur le fond en application de la loi allemande…
Après 14 ans de procédure, les parties sont ainsi, de nouveau, renvoyées devant le juge de première instance pour trancher leur litige…
Nul doute toutefois, compte tenu de l’impressionnante longévité de cette saga judiciaire, que la partie française se pourvoira en cassation contre cette décision.
Il est grand temps, du reste, que la Cour de cassation se prononce enfin sur la question (voir Cass. 1ère civ., 22 octobre 2008, n°07-15.823 ; Cass. com., 6 septembre 2011, n° 10-11975 ; Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-15340 où la Cour de cassation a toujours évité de se prononcer).
Cass. Com., 26 juin 2024, n°23-13.535 et Cass. Com., 26 juin 2024, n°22-17.647
Le parasitisme économique est le fait, pour un opérateur économique, de se placer dans le sillage d’un autre, en le copiant afin de tirer profit, sans bourse délier, des investissements consentis par ce dernier pour développer sa notoriété. C’est une faute délictuelle, sanctionnable sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Dans deux arrêts récents, la Cour de cassation a procédé à un utile rappel des deux critères qui permettent d’identifier le parasitisme économique :
Dans un premier arrêt, la société Auchan avait commercialisé des tasses et bols comportant des images de type « vintage » fabriqués par une société KATS. La société Maisons du monde France soutenait que ces objets reproduisaient un décor créé par son bureau d’étude de style et commercialisé sous forme de tableau sur support toile, l’a assignée pour concurrence déloyale et parasitisme. Saisie d’un pourvoi en cassation, la Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande, après avoir relevé que le tableau était composé de différents clichés libres de droits que l’on trouvait sur internet et que Maison du monde avait elle-même reproduits et agencés sur la toile et qui n’avaient jamais été mis en avant comme étant emblématiques de l’univers de sa marque. Ainsi, la demanderesse n’avait pas démontré une valeur économique identifiée et individualisée qui l’aurait autorisée à rechercher la responsabilité d’Auchan et de KATS sur le terrain du parasitisme.
Dans la seconde affaire, la Cour a au contraire estimé qu’en distribuant des masques appelés « Tecnopro » très inspirés des célèbres masques « Easybreath » de Decathlon, lesquels avaient fait l’objet d’investissements importants et connaissaient un grand succès commercial (démontrant ainsi une valeur économique identifiée et individualisée), les sociétés Intersport et Phoenix, qui ne justifiaient, pour leur part, d’aucun travail de mise au point ni d’aucun investissement particulier, s’étaient sciemment placées dans le sillage de Decathlon afin de bénéficier de la notoriété de ces produits et de l’engouement du public, et avaient donc commis des actes de parasitisme.
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par plusieurs auteurs
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