Auteur

Claudia Jonath

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27 juillet 2023

La Clause de mobilité est inopérante si sa mise en œuvre porte atteinte sans nécessité à la vie personnelle et familiale du salarié

  • Briefing

Un salarié expatrié est en droit de s’opposer à la mise en œuvre d’une clause de mobilité valablement contractée, si celle-ci porte atteinte à sa vie personnelle et familiale.

En l’espèce, un ingénieur expatrié depuis un certain nombre d’années au sein de Bouygues Bâtiment et exerçant en dernier lieu ses activités au Canada, a refusé successivement des propositions de postes situés à Cuba, au Nigeria et à Londres. Les raisons invoquées étaient d’ordre familial et personnel. Les postes et la rémunération proposés étaient pourtant parfaitement compatibles avec l’expérience et les compétences acquises par le salarié et son statut d’expatrié (à l’exception peut-être du poste localisé à Londres qui faisait l’objet d’une proposition de contrat local).

Le salarié, licencié pour refus d’affectation et non-respect fautif de ses obligations contractuelles, a été débouté en première instance par le Conseil des Prudhommes de Versailles jugeant le licenciement intervenu pour motif réel et sérieux.

Ce jugement est confirmé par la Cour d’Appel de Versailles en septembre 2021, estimant que la décision de muter le salarié n’a pas caractérisé ni un abus ni un détournement de pouvoir de la part de l’employeur et qu’elle a été dictée dans l’intérêt de l’entreprise, qui, faute de projets, devait procéder à une rupture anticipée de l’avenant d’expatriation et rechercher une solution de remplacement.

Pour refuser les nouvelles affectations proposées, le salarié avait mis en exergue la scolarisation de ses enfants, le support familial que sa fille ainée était en droit d’attendre, la sécurité de sa famille sur place.

Dans un arrêt du 28 juin 2023, la Cour de Cassation lui a donné raison en se basant sur les articles L. 1121-1 du Code du travail et 1134 du Code Civil (devenu 1103 du Code Civil) : Les juges du fond auraient dû rechercher si la mise en œuvre de la clause de mobilité portait atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale et, dans l’affirmative, si cette atteinte était justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

Cet arrêt s‘inscrit dans la jurisprudence constante de la Cour de Cassation qui s’est notamment prononcée sur la modification contrainte des horaires de travail, l’imposition injustifiée de clauses de résidence et l’utilisation forcée du domicile personnel à des fins professionnelles en s’appuyant sur le même article L. 1121 du Code du travail aux termes duquel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionné au but recherché ».

La Haute Juridiction rappelle ainsi la nécessité d’une recherche systématique de la proportionnalité au but recherché de l’atteinte portée à une restriction de liberté du salarié.

Il nous semble néanmoins que la décision présente franchit une étape supplémentaire, limitant encore davantage le pouvoir de direction de l’employeur : en présence d’une clause de mobilité librement contractée et valablement imposée au salarié, ce dernier reste parfaitement en droit de refuser sa mise en application concrète, s’il estime que la clause porte atteinte à sa vie familiale et personnelle.

N’est-ce pourtant pas fatalement le cas quand l’employeur écourte l’expatriation d’un salarié résidant à l’étranger entouré de sa famille ?

En pratique, il est fréquent que l’entreprise soit contrainte d’écourter une expatriation, notamment si le calendrier de ses projets est modifié ou faute de nouveaux projets, surtout dans certains secteurs (Bâtiment, Ingénierie…). Comment réagir face à un refus du salarié d’accepter une mission dans un pays différent, faute de pouvoir lui proposer une autre mission dans le pays ayant fait l’objet de l’expatriation ? En tout cas, le refus du salarié ne justifiera pas ipso facto son licenciement, sauf à s’exposer à des dommages-intérêts.

Un début de réponse réside dans une rédaction habile et circonstanciée des clauses de mobilité et des contrats d’expatriation, en fonction du profil du salarié et de son expérience professionnelle, mais également dans la recherche d’une solution au cas par cas, prenant en compte les conséquences familiales liées au rapatriement/ à la nouvelle affectation proposée.

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