Depuis son instauration fin 2017, le barème Macron a fait couler de l’encre et a surtout irrité les juridictions du fond. En effet, en instituant des plafonds d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il entrave les juges du fond dans leur appréciation du préjudice subi par le salarié puisque les dommages-intérêts pouvant lui être alloués sont plafonnés.
De ce fait, le barème a fait l’objet de diverses polémiques et rebellions de la part des juges du fond. Pour mettre un terme aux contestations et sécuriser le dispositif légal mis en place, il fallait que la Cour de Cassation déclare, en mai 2022, le barème « conforme aux textes européens et internationaux ».
En revanche, telle n’est pas la position prise par le Comité européen des droits sociaux (CEDS) qui, en juillet 2022, a estimé que le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévu par le barème Macron constituait une violation de la charte sociale européenne. Malgré cela, l’analyse de la jurisprudence récente révèle que les cours d’appel - à l’exception de la cour d’appel de Douai qui persiste dans sa rébellion - ont très largement suivi la Cour de Cassation qui n’hésite pas à censurer des décisions s’affranchissant d’une application stricte du barème Macron.
Ainsi, l’argument relatif à « l’inconventionnalité du barème «, s’il est encore évoqué avec peu de succès devant les conseillers prud’hommaux, est très souvent abandonné en appel.
Mais le barème Macron ne s’applique qu’en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse de telle sorte que les licenciements faisant suite à des faits de harcèlement ou des agissements discriminatoires, dit « nuls », échappent au couperet du barème. En effet, dans de telles situations, aucun plafond n’est applicable mais, bien au contraire, le juge est tenu à une « réparation plancher » au moins égale à six mois de salaire, et retrouve une pleine et souveraine compétence d’appréciation quant au montant des dommages-intérêts globalement alloués en fonction du préjudice réel subi par le salarié.
Les litiges fondés sur un harcèlement moral se sont ainsi très clairement multipliés. Le harcèlement moral est défini comme « des agissements répétés » qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; une définition qui laisse aux juges une marge d’appréciation importante.
Le juge doit prendre en compte chacun des « agissements » reprochés à l’employeur et les apprécier dans leur ensemble. L’employeur, de son coté, doit prouver que les agissements sont justifiés par des éléments objectifs et étrangers à tout harcèlement. De la même façon, les actions pour licenciement discriminatoire, notamment en raison de l’âge, de l’état de santé ou du sexe se sont multipliées depuis 2021 et, de façon exponentielle, depuis 2022.
De telles actions, si elles sont fondées en droit, donnent effectivement lieu à des versements non plafonnés de dommages-intérêts. Au surplus, différents fondements permettent au salarié de revendiquer une large réparation. Ainsi, en matière de harcèlement moral, les juges distinguent entre le préjudice lié au harcèlement lui-même, la violation par l’employeur de son obligation de sécurité et le préjudice afférent à la nullité du licenciement.
Face aux constats précités, nous conseillons à nos clients de se prémunir en mettant en place un dispositif d’alerte professionnelle permettant de recueillir très en amont des faits pouvant être qualifiés de harcèlement ou de discrimination, et de gérer avec sérieux les potentiels signalements. Nous intervenons régulièrement dans le cadre d’enquêtes menées par l’employeur, et formons les managers et responsables d’équipe autour de ces notions juridiques. En effet, ces derniers ignorent très souvent que certaines techniques de communication et/ou méthodes managériales sont susceptibles de caractériser des fait de harcèlement ou de discrimination que les salariés n’hésitent pas à contester, notamment à l’occasion de la rupture de leur contrat de travail.