Telle est la réponse apportée par la Cour de Cassation par un arrêt du 23 novembre 2022 à la question concrète suivante : L’employeur peut-il interdire une coiffure aux hommes qui est par ailleurs autorisée aux femmes ?
Il s’agissait en l’espèce de port de tresses africaines nouées en chignon et d’un steward d’une Compagnie Aérienne de renom portant l’uniforme du personnel navigant.
Le manuel interne d’Air France fixait des règles précises pour le personnel navigant commercial masculin, exigeant une coiffure « nette » limitée tant en volume qu’en longueur, pour ne pas dépasser « dans la nuque le bord supérieur du col de la chemise ». De telles dispositions interdisaient au steward le port de tresses africaines attachées en chignon, coiffure pourtant parfaitement autorisée aux hôtesses par le référentiel qui leur était applicable. Concrètement, le steward concerné s’est vu refuser l’embarquement par Air France et se voit contraint de porter une perruque masquant sa coiffure pour exercer ses fonctions.
Le steward y voit une discrimination à raison du sexe et saisit les tribunaux face au refus persistant de son employeur. La Cour d’appel lui a donné tort et s’est fondée sur les « codes d’usage » et l’image de marque de la compagnie aérienne pour justifier la limitation de la libre apparence du salarié. Le raisonnement était basé sur une « différence d’apparence admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage » et l’affirmation que ce type de différence « qui reprend les codes en usage ne peut être qualifiée de discrimination ».
Il faut savoir que l’enjeu juridique dans de telles affaires est bel et bien la nullité du licenciement prononcé, tantôt pour faute tantôt pour insubordination.
La Cour de Cassation est d’un tout autre avis. Elle rappelle tout d’abord les fondamentaux sur la base des textes français et européens applicables : les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché.
Selon le Code du travail français, l’apparence physique est en effet un motif de discrimination prohibé. Et la Cour de Cassation rappelle sa position, affirmée il y a d’ores et déjà 10 ans, que la discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe est parfaitement interdite. A l’époque, un chef de rang licencié par un restaurant gastronomique en raison de son refus d’ôter pendant le service ses boucles d’oreille avait obtenu des dommages intérêts. Le licenciement, basé sur son apparence physique, « son statut au service de la clientèle au quotidien « qui ne permettait pas à son employeur « de tolérer le port de boucles d’oreille sur l’homme que vous êtes » avait été jugé nul et de nul effet.
Déjà à l’époque, la Cour de Cassation avait clairement fait la distinction entre contraintes vestimentaires justifiées par la nature des fonctions exercées et des arguments tirés de l’atteinte à l’image et à la réputation de l’employeur, pour déclarer que le pouvoir de direction de l’employeur ne pouvait s’appuyer sur des perceptions sociales subjectives et que ces dernières ne justifiaient en aucun cas des différences de traitement entre hommes et femmes.
Eu égard aux conséquences lourdes d’un licenciement nul, emportant le cas échéant la réintégration du salarié et/ou l’indemnisation de la totalité du préjudice subi, de nombreuses entreprises ont réagi, notamment en adaptant leurs référentiels internes aux exigences du droit et en veillant à une gestion du personnel hommes/ femmes dans le respect d’une parfaite équité.
Il en résulte que la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement.