11 avril 2018
Les ordonnances dites « Macron » ou « ordonnances loi travail » sont, pour la plupart, entrées en vigueur le 1er janvier 2018. Zoom sur les principaux changements induits par l’une des plus grandes réformes du Droit du travail en France.
Auparavant, l’insuffisance de motifs dans la lettre de licenciement pouvait entraîner la requalification d’un licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse - même s’il était justifié - entraînant pour l’employeur, une condamnation à des indemnités au moins égales à 6 mois de salaire.
Avec la réforme, Emmanuel Macron a introduit un « droit à l’erreur » pour l’employeur qui licencie, avec différentes mesures :
Mise en place de 6 « modèles types » de lettres de licenciement,
Possibilité d’apporter des précisions aux motifs énoncés dans la lettre de licenciement dans un délai de 15 jours
Avant la réforme, les délais pour contester son licenciement différaient selon les types de rupture. Désormais, ces délais sont harmonisés : le salarié a 12 mois à compter de la notification de la rupture pour contester cette rupture.
Le montant des indemnités qui pouvaient être allouées par le Conseil de prud’hommes à un salarié licencié, était sans doute ce qui inquiétait le plus les employeurs, aucune limite n’étant fixée par la loi.
La réforme Macron a désormais fixé un barème, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le montant maximal qui peut être alloué par le juge est ainsi compris entre 1 mois (en-dessous d’un an d’ancienneté) et 20 mois de salaire (à partir de 29 ans d’ancienneté). Il augmente d’un mois pour chaque année d’ancienneté supplémentaire entre 1 et 10 (exemple : 3 ans d’ancienneté : 1+3 = 4 mois de salaire), et d’1/2 mois de salaire pour chaque année d’ancienneté supplémentaire à compter de la 11ème année.
Attention toutefois, cette limite peut être dépassée en cas de nullité du licenciement notamment en cas de harcèlement ou de discrimination par exemple.
Avant la réforme, l’indemnité légale de licenciement était calculée sur la base de 1/5ème de mois de salaire par année d’ancienneté, à compter d’un an de présence dans l’entreprise.
Avec la réforme Macron, tout salarié ayant 8 mois d’ancienneté, a droit à une indemnité légale de licenciement calculée sur la base de ¼ de mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 10 ans d’ancienneté et 1/3 de mois de salaire à partir de 10 ans d’ancienneté.
Attention toutefois, les conventions collectives peuvent toujours prévoir des indemnités de rupture plus favorables que la loi.
Avant la réforme, lorsqu’une entreprise voulait licencier pour motif économiquel’appréciation du motif économique s’appréciait au niveau international. Si une filiale française était en pertes, mais que l’activité des autres sociétés du groupe relevant du même secteur d’activité était florissante dans les autres pays, le licenciement pour motif économique de salariés en France pouvait être considéré sans cause réelle et sérieuse.
Par ailleurs, l’obligation de reclassement imposait aux sociétés, avant de procéder à un licenciement économique, de rechercher un poste pour son salarié y compris à l’étranger si celui-ci le souhaitait, et de lui proposer individuellement tous les postes disponibles. A défaut, le licenciement pouvait être privé de cause réelle et sérieuse.
Désormais, le motif économique est apprécié au niveau nationat et l’employeur, dans le cadre de son obligation de reclassement, doit seulement proposer les postes disponibles au niveau national, et peut se contenter de diffuser une liste générale des postes disponibles à l’ensemble des salariés (sans devoir individualiser chaque proposition de reclassement).
Avant la réforme, seule la rupture conventionnelle individuelle existait.
Les ordonnances Macron ont créé la rupture conventionnelle collective. Ainsi par accord collectif, l’entreprise peut mettre en place un dispositif de départs volontaires de salariés sans avoir à passer par un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE).
Avant la réforme, certains secteurs utilisaient déjà des « CDI de chantier » permettant de rompre le contrat du salarié à la fin du « chantier » pour lequel il avait été conclu (principalement le BTP). Cette pratique était toutefois limitée à des secteurs bien définis.
Désormais, d’autres secteurs pourront mettre en place ce contrat, à cheval entre le CDD et le CDI, si un accord de branche le prévoit, permettant d’embaucher un salarié pour une durée non déterminée et adaptable aux besoins et aléas du chantier (automobile, mode, banque…). La fin du chantier constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Avant la réforme, le télétravail était prévu dans le contrat de travail du salarié ou faisait l’objet d’un avenant au contrat de travail du salarié.
A présent, il pourra être prévu par un accord collectif ou une « charte télétravail » dans l’entreprise : mais il n’est plus nécessaire de conclure un avenant avec chaque salarié concerné (même si cela reste possible, notamment en l’absence de charte ou d’accord collectif). La notion de « télétravail occasionnel » est aussi introduite. Les ordonnances prévoient enfin qu’en cas de refus opposé par l’employeur à la demande de télétravail du salarié, ce refus devra être motivé.
Avant la réforme, les accords d’entreprise pouvaient déroger aux accords de branche dans certains domaines (notamment temps de travail et congés), sauf si l’accord de branche s’y opposait.
Les ordonnances Macron étendent le champ de primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche et créent trois blocs pour répartir les rôles entre branche et entreprise ;
1er bloc : regroupe les matières où l’accord de branche est impératif dans tous les cas (notamment salaires minima, classification, renouvellement de la période d’essai, protection sociale complémentaire, certaines mesures relatives aux CDD et à la durée du travail, CDI de chantier…)
2ème bloc : matières où l’accord de branche est impératif s’il le prévoit expressément (notamment prévention de certains risques professionnels, insertion et maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, certaines modalités de désignation des délégués syndicaux…)
3ème bloc : matières où l’accord d’entreprise prévaut (durée initiale de la période d’essai, préavis et indemnités de rupture, la plupart des primes…)
Thème 4 : Fusion des 3 institutions de représentation du personnel en une : le Conseil social et économique (CSE)
Jusqu’à présent, il y avait en France 3 institutions représentatives du personnel : les délégués du personnel (à partir de 11 salariés), le Comité d’Entreprise et le CHSCT (à partir de 50 salariés).
Désormais, seul le comité social et économique (CSE) devra être mis en place, dans toute société comptant au moins 11 salariés. Ses attributions varieront selon que l’entreprise aura un effectif de 11 à 49 ou de 50 salariés et plus. Cette fusion impacte à la baisse le nombre de réunions annuelles
à tenir par l’employeur (désormais 1 tous les 2 mois en dessous de 300 salariés, 1 tous les mois à partir de 300 salariés, voire moins en cas d’accord collectif, étant précisé que les suppléants ne peuvent assister aux réunions qu’en cas d’absence du titulaire, réduisant ainsi le nombre d’interlocuteurs lors des réunions), le nombre d’élus dans l’entreprise (ex : dans une entreprise de 50 salariés, il y a 8 élus DP/CE/CHSCT tandis qu’il n’y en aura plus que 4 après la mise en place du CSE) et le nombre d’heures de délégation.
Une autre nouveauté importante pour les entreprises : auparavant le seuil d’effectif pour apprécier la nécessité de mettre en place des institutions représentatives du personnel était calculé pendant 12 mois consécutifs ou non sur les 3 dernières années : désormais, l’effectif doit être atteint pendant 12 mois consécutifs, ce qui va diminuer le nombre de cas où la mise en place est nécessaire.
A noter enfin : dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les représentants du personnel pourront accomplir 3 mandats successifs (sauf si l’accord électoral prévoit le contraire).
Les nouvelles règles issues de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
par Mounira Freih
par Claudia Jonath
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