Auteur

Claudia Jonath

Associé

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12 septembre 2023

Transfert d’entreprise : le transfert automatique des contrats de travail peut-il être la conséquence d’apport d’activités de deux parties d’entreprise du même groupe ?

  • Briefing

Le transfert d’entreprise peut être caractérisé, même si l’activité cédée émane de plusieurs parties d’entreprises distinctes d’un même groupe de société. Telle est la position de la Cour de Cassation dans l’arrêt Intel du 28 juin 2023, confirmant la décision de la Cour d’Appel de Toulouse du 22 février 2022. La conséquence est le transfert automatique des contrats de travail attachés à l’activité exercée au sein des filiales.

En l’espèce, l’activité R&D des logiciels embarqués était développée au sein de 2 filiales du groupe Intel, la société IMC et la société Intel Corp. Dans le cadre d’une restructuration mondiale du groupe, l’activité R&D a été cédée au groupe Renault limitant ainsi l’envergure d’un PSE impliquant la fermeture de différents sites en France.

Chacune des sociétés susmentionnées a procédé à un apport partiel d’actifs à une NewCo, devenue par la suite Renault Software Labs. La cession a conduit à la reprise de 460 salaries par le biais de l’application de l’article L.1224-1 du Code du travail qui prévoit le maintien des contrats de travail dans le cadre de la modification de la situation juridique de l’employeur (par suite notamment d’une vente, fusion, mise en société de l’entreprise…).

Il faut rappeler que les dispositions de cet article sont d’ordre public et s’imposent tant à l’employeur qu’aux salariés dont le consentement n’est pas requis pour le transfert des contrats de travail.

Or, il est de plus en plus fréquent que les salariés contestent le transfert automatique qui est pourtant censé les protéger contre tout licenciement ab initio, avant et en dépit de la réorganisation projetée de l’entreprise employeur.

En effet, dans le cadre de restructurations importantes, nombreux sont les salariés qui préfèrent partir dans le cadre d’un PSE et profiter des mesures d’accompagnement impliquant le versement d’indemnités souvent substantielles plutôt que de voir leur contrat transféré au sein d’un nouvel employeur.

C’était bien le cas dans l’affaire Intel où les salariés contestaient le transfert et prétendaient avoir subi un préjudice résidant dans la perte illégitime du bénéfice des avantages du PSE mis en œuvre par le groupe Intel.

La Cour d’Appel de Toulouse et la Cour de Cassation se sont par conséquent interrogées sur les conditions d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail au cas d’espèce, en tenant compte des précisions apportées par la jurisprudence communautaire en matière de transfert d’entreprise, à savoir le transfert d’une entité économique autonome (= un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre) qui poursuit son activité à l’identique ou de façon analogue.

L’apport des arrêts précités est, à notre sens, double :

  • Tout d’abord, quant à l’existence d’une entité économique autonome, il est précisé que l’activité » R&D des logiciels embarqués » représente bien une entité économique autonome, peu importe à cet égard :
    • Que l’activité résulte de deux parties d’entreprise distinctes d’un même groupe de société
    • Que les règles d’organisation, de fonctionnement et de gestion du service puissent différer d’une entité à l’autre. 

    Ainsi, le réceptacle juridique et l’organisation administrative et économique de l’activité en question s’effacent quelque part devant le caractère distinct de cette même activité des autres activités des sociétés du groupe (= ici historiquement : la fabrication, distribution et ventes de puces électroniques à destination d’ordinateurs) en raison de sa spécificité. Les critères qui l’ont emporté dans l’analyse du faisceau d’indices qui régit le transfert d’entreprise étaient en effet les compétences très particulières des personnels, l’existence d’équipes dédiées à cette activité et des fonctions supports nécessaires à l’exercice de cette même activité ainsi que des moyens corporels et incorporels spécifiquement attachés à l’activité, (notamment : équipements et outils de développement, licences informatiques, matériel de laboratoire audio, baux et contrats de maintenance, contrats de sous-traitance etc.).

  • Ensuite, quant à la subsistance de l’identité de l’entité économique transférée, une analyse pragmatique a été menée. En l’espèce, le transfert impliquait que les salariés transférés travaillaient désormais sur le développement de logiciels embarqués pour des automobiles. En effet, l’activité ne s’exerçait plus majoritairement sur les téléphones et tablettes, mais dans le cadre du projet de voiture autonome. Peu importe, estiment les 2 juridictions, l’activité de l’entité économique autonome a bien continué « dans des conditions analogues car l’activité exercée (= la recherche et le développement des logiciels embarqués) n’est pas modifiée. » Ainsi, l’adaptation des salariés à un environnement spécifique ne fait pas obstacle à la continuité de l’activité transférée.

 

Il s’agit d’une analyse pertinente tenant compte de la pratique des groupes de société où le développement d’activités propres - mais transversales dans différentes entités du groupe - est très fréquent. Et où les adaptations sont nécessaires et très souvent inhérentes au transfert même desdites activités au profit d’un autre groupe poursuivant un objet social différent.

Une telle approche est susceptible d’inciter les décideurs économiques à une analyse encore plus méticuleuse des circonstances de fait d’une opération juridique envisagée, afin d’en maîtriser au mieux les conséquences sociales.


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