19 juillet 2023
Franchise : annulation du contrat de franchise pour absence de cause
Franchise : validité des clauses de non-concurrence au regard de la loi Macron
Contrat de distribution international : l’option de compétence en matière contractuelle
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Actualité juridique en France
CJUE, 19 janvier 2023, C-680/20, Unilever Italia Mkt. Operations Srl c. Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato
La société Unilever commercialise, en Italie, des glaces en conditionnement individuel destinées à être consommées en dehors du domicile des consommateurs (dans des bars, cafés…). En position dominante sur ce marché, Unilever distribue ses produits via un réseau de 150 distributeurs indépendants.
Le 31 octobre 2017, l’Autorité de la concurrence italienne (« AGCM »), saisie par une société concurrente d’Unilever d’une plainte pour abus de position dominante, a condamné Unilever pour violation de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »).
L’AGCM a retenu que l’abus de position dominante d’Unilever était caractérisé par l’imposition, par les distributeurs d’Unilever, de clauses d’exclusivité aux revendeurs exploitant des points de vente au détail, les obligeant à s’approvisionner exclusivement auprès d’Unilever pour leurs besoins en glaces en conditionnement individuel. Bien que les distributeurs d’Unilever soient juridiquement indépendants, l’AGCM a justifié sa décision en indiquant que le degré d’interférence pratiqué par Unilever était tel qu’elle ne formerait qu’une seule entité économique avec ses distributeurs.
Unilever a contesté cette décision jusque devant le Conseil d’Etat italien qui a décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE »).
La première portait sur l’imputabilité de la pratique abusive à la tête de réseau et sur les critères pertinents pour déterminer une unité économique (1) et la deuxième était relative à l’obligation ou non, pour les autorités de concurrence, de vérifier l’existence d’effets d’éviction causés par les clauses d’exclusivité (2).
1. L’imputabilité de l’abus de position dominante à la tête de réseau
La CJUE rappelle qu’une entreprise en position dominante détient la « responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur ».
Cette responsabilité englobe, selon la Cour, les comportements « dont la mise en œuvre a été déléguée par cette entreprise à des entités juridiques indépendantes, tenues d’exécuter ses instructions ».
Il faut comprendre par-là que, dans le cadre d’un réseau de distribution, la tête de réseau est responsable du comportement de ses distributeurs dès lors qu’ils agissent conformément à ses instructions spécifiques, et plus généralement à une politique décidée unilatéralement et non de manière indépendante. La tête de réseau est donc l’auteur et, le cas échéant, la seule responsable de la pratique aux fins de l’application de l’article 102 du TFUE.
Cela peut notamment être le cas lorsqu’une entreprise en position dominante, comme ce fut le cas en l’espèce, rédige un contrat-type contenant « des clauses d’exclusivité au bénéfice de ses produits que les distributeurs de ce producteur sont tenus de faire signer aux exploitants de points de vente sans pouvoir les amender, sauf accord exprès dudit producteur ».
Selon la CJUE, les distributeurs d’Unilever ne sont que les « instruments de la ramification territoriale de la politique commerciale » de cette dernière et ne font que reproduire l’abus commis par la tête de réseau. Elle considère que l’entreprise en position dominante ne saurait échapper à sa responsabilité en déléguant à des intermédiaires la mise en œuvre de pratiques abusives.
La décision appelle ainsi à la prudence pour les têtes de réseau qui occuperaient une position dominante sur leur marché et qui seraient tentées d’imposer, par l’intermédiaire d’une documentation contractuelle type appliquée par leurs distributeurs, des engagements potentiellement anticoncurrentiels.
2. L’obligation, pour les autorités de la concurrence, de vérifier l’effet d’éviction des clauses d’exclusivité
La CJUE rappelle sur ce point que les engagements d’exclusivité pris auprès d’une entreprise en position dominante (ainsi que les rabais de fidélité accordés par elle) ont longtemps été considérés par leur nature même comme une exploitation abusive de la position dominante (CJCE, 13 février 1979, Hoffmann-LA Roche) mais que, depuis la décision Intel de 2017 (CJUE, 6 septembre 2017, Intel/Commission, C-413/14 P) la Cour a reconnu à l’entreprise en position dominante la possibilité de démontrer, grâce à différents éléments de preuve tels que des analyses économiques, que son recours à des pratiques potentiellement anticoncurrentielles, du fait de sa position, n’avait pas pu produire un effet d’éviction.
La production de telles analyses et études oblige les autorités de la concurrence à procéder à une analyse in concreto de la capacité d’éviction, par l’entreprise dominante en cause, de ses concurrents « au moins aussi efficaces », avant de procéder à une mise en balance avec les avantages éventuels qui résultent de la pratique, en termes d’efficacité qui profitent aussi au consommateur.
Etendant aux clauses d’exclusivité la réflexion menée sur les rabais dans l’affaire Intel, la Cour considère que ces pratiques peuvent parfois être justifiées, que l’effet d’éviction causé par les clauses d’exclusivité n’est pas automatique et juge ainsi que l’analyse des autorités de concurrences, à ce sujet, doit se baser sur des éléments de preuve tangibles qui démontrent « la capacité effective de la pratique en cause à produire de tels effets », ce qui induit nécessairement d’analyser les éléments de preuve produits par l’entreprise mise en cause.
A cet égard, la Cour souligne que le recours au test du « concurrent aussi efficace » n’est pas toujours approprié et constitue une méthode parmi d’autres pour apprécier si une pratique a la capacité des produire des effets d’éviction, mais que si les résultats de ce test sont produits par l’entreprise en cause, leur valeur probante doit être examinée par les autorités de concurrence.
Cette approche par les effets permet ainsi aux entreprises en position dominante de tenter de démontrer que les clauses d’exclusivité qu’elles appliquent ne produisent pas nécessairement d’effets anticoncurrentiels, les éléments de preuve versés à cet effet devant obligatoirement être examinés par l’autorité de concurrence saisie.
Cass. Com., 13 avril 2023, n° 22-10.386.
Après avoir signé un contrat de franchise de courtage en crédits et assurances, afin d’exploiter un point de vente pendant une durée de 5 ans en échange notamment d’un droit d’entrée de 69.000 euros, un franchisé s’est vu refuser sa demande d’inscription en tant que courtier par l’Orias (Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance).
Le franchisé a alors demandé au franchiseur le remboursement du droit d’entrée puis l’a assigné devant le Tribunal de commerce de Grenoble afin d’obtenir l’annulation du contrat de franchise.
Le tribunal a jugé que l’agrément Orias étant « l’une des conditions essentielles au bon déroulement du contrat », la non-obtention de celui-ci par le franchisé rendait l’exécution du contrat impossible et donc caduc.
En appel, la Cour d’appel de Grenoble a quant à elle considéré que, bien que l’obtention de l’agrément soit une condition nécessaire pour l’exploitation du point de vente par le franchisé, « elle ne constitue pas la cause de ses obligations de verser d’une part un droit d’entrée, d’autre part des redevances et commissions annuelles […] ».
En effet, pour la Cour d’appel, la cause du contrat, analysée au regard de l’article 1131 (ancien) du Code civil, ne se trouvait pas dans l’obtention de l’agrément mais dans les éléments propres au système de franchise, à savoir « s’agissant d’un contrat synallagmatique, dans la contrepartie concédée par le franchiseur en termes de formation, de droit d’usage de sa marque et d’accompagnement publicitaire ». L’agrément devait être obtenu par le franchisé lui-même, postérieurement à la signature du contrat.
Par ailleurs, le franchisé ayant établi une déclaration d’honorabilité inexacte (une condamnation pour escroquerie et usage de faux ayant été rendue à son encontre) et n’étant ainsi pas en règle avec les obligations professionnelles résultant de la législation applicable aux IOBSP, la Cour d’appel a logiquement prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs du franchisé.
Dans sa décision, la Cour de cassation rappelle tout d’abord qu’en vertu de l’article 1131 ancien, « dans les contrats synallagmatiques, la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'obligation contractée par l'autre » et confirme la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle a retenu que l’agrément de l’Orias, bien que condition nécessaire à l’exploitation de l’activité du franchisé, n’était pas la cause du contrat de franchise.
La contrepartie du droit d’entrée et des redevances réside bien, pour la Cour de cassation, dans « la formation, le droit d’usage de sa marque et d’accompagnement publicitaire » par le franchiseur, autrement dit dans les obligations classiques du franchiseur.
L’enregistrement auprès de l’Orias était une obligation souscrite par le franchisé et non une obligation du franchiseur. Cette décision tout à fait cohérente doit donc être approuvée.
Sous l’empire des dispositions du Code civil résultant de la réforme du droit des contrats entrée en vigueur le 1er octobre 2016, la notion de cause du contrat a été remplacée par celle de contrepartie. Mais le raisonnement reste inchangé. Pour mémoire, la contrepartie obtenue par le franchisé qui paye un droit d’entrée pour intégrer un réseau de franchise ne doit pas être « illusoire ou dérisoire » (article 1169 du Code civil). Ce n’est qu’alors que le contrat risque d’être annulé.
CA Paris, 8 Février 2023, n° 21/07084 ; CA Paris, 8 Février 2023, n° 20/14328 ; CA Paris, 15 Mars 2023 – n° 21/14111
Les clauses de non-concurrence et les clauses de non-affiliation (ou non-ré-affiliation) post-contractuelles peuvent être considérées comme inhérentes à la franchise car elles permettent de protéger le savoir-faire transmis par le franchiseur aux franchisés et de laisser au franchiseur le temps de réinstaller un franchisé dans la zone d’exercice du membre sortant.
Le régime juridique applicable à ces clauses varie en fonction du secteur d’activité.
S’agissant du domaine spécifique du commerce de détail, l’article L.341-2 du Code de commerce (issu de la loi Macron du 6 août 2015) prévoit que toute clause d’un contrat de distribution conclu au sein d’un réseau ayant pour effet « après l’échéance ou la résiliation [du contrat] de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite » sauf si elle est limitée à l’activité précédemment exploitée et aux terrains ou locaux à partir desquels l’exploitant exerçait son activité pendant la durée du contrat, indispensable à la protection d’un savoir-faire substantiel, spécifique et secret et que sa durée n’excède pas un an.
Ces dispositions ont, entre autres, soulevé des questions sur leur champ d’application temporel (la loi était-elle applicable aux contrats en cours lorsqu’elle est entrée en vigueur) et sur leur champ d’application matériel (que fallait-il entendre par « commerce de détail », la loi n’en donnant aucune définition ?).
Par un arrêt de 2022, la Cour de cassation a jugé que ces dispositions sont applicables aux contrats de franchise conclus après l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire ceux conclus ou renouvelés après le 6 août 2016, la loi n’étant pas rétroactive (Cass. Com., 16 février 2022, n°20-20.429).
Quant à la question du champ d’application matériel, il n’a pas encore été tranché par la Cour de cassation.
La Cour d’appel de Paris a rendu, le 8 février 2023 et le 15 mars 2023, trois décisions dans lesquelles il était question de franchisés ayant violé leur engagement de non-affiliation et non-concurrence post-contractuel.
Dans la première affaire (CA Paris, 8 février 2023, n° 20/14328), le franchisé avait quitté un réseau d’agences immobilières pour en rejoindre un autre. La clause de non-affiliation post-contractuelle portait sur le « département dans lequel le Franchisé a son agence et ses succursales éventuelles ».
L’ex franchisé soulevait la nullité de la clause au regard de la loi Macron, compte tenu de son champ d’application géographique trop étendu.
Le franchiseur soutenait, pour sa part, que l’activité d’agence immobilière n’était pas une activité de « commerce de détail » et que la loi Macron n’avait pas vocation à s’appliquer.
La loi ne donnant pas de définition de la notion de « commerce de détail » et malgré la définition donnée par l’article A.713-26 du Code de commerce ou encore par l’Autorité de la concurrence (qui la limite à la commercialisation de produits et à certaines prestations de service à caractère artisanal comme les pressing, les salons de coiffure, l’entretien de véhicules - §103 des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentration de 2020), la Cour d’appel a décidé de déterminer la finalité de l’article L. 341-2 afin d’en déterminer le champ d’application. Elle a estimé que la loi Macron ayant pour objet la protection de la liberté d’exercice de l’activité commerciale dans les réseaux de distribution commerciale, la notion de « commerce de détail » devait s’appliquer de façon large et couvrir aussi bien la distribution de produits que de services.
Elle a ainsi estimé que l’agence immobilière étant un local « porteur de l’enseigne ou du signe de ralliement dans lequel va se rendre le client final pour consommer le bien ou service proposé suivant un savoir-faire particulier », elle devait être considérée comme un magasin de commerce de détail.
Cette décision n’est pas totalement nouvelle puisque la Cour avait déjà tranché en ce sens dans un précédent arrêt de 2018 qui était toutefois critiqué (voir CA Paris, 22 novembre 2018, RG n°18/06688).
Après avoir admis l’applicabilité de l’article au cas d’espèce, la Cour constate la disproportion de la clause par son étendue géographique (le département du franchisé), mais également par son étendue matérielle puisqu’elle visait « toute personne physique ou morale ayant à un moment quelconque de l'exécution du contrat, exercé des fonctions dans ou pour la société franchisée » ainsi que l’acquéreur du fonds de commerce.
La Cour annule donc la clause de non-affiliation post-contractuelle du contrat.
Il est souhaitable que cette décision fasse l’objet d’un pourvoi en cassation, car il nous semble important que la Cour de cassation se prononce dès que possible sur la définition de la notion de « commerce de détail ».
Dans la deuxième affaire du même jour (CA Paris, 8 février 2023, n° 21/07084), également dans le secteur des agences immobilières, la clause de non-affiliation post-contractuelle liant le franchisé, d’une durée d’un an, couvrait le « département de la ville désignée au présent contrat ».
Le contrat ayant été conclu et renouvelé antérieurement à la réforme Macron, les dispositions de l’article L.341-2 du Code de commerce ne lui étaient pas applicables et la question se posait donc de savoir si son champ d’application géographique, compte tenu de son étendue, était valable.
Après avoir rappelé le principe dégagé avant la loi Macron selon lequel la clause de non-affiliation ne devait pas « porter une atteinte disproportionnée aux intérêts du débiteur, outrepassant la nécessaire protection du savoir-faire du créancier », la Cour a estimé qu’une « interdiction d'exercer l'activité identique dans un périmètre beaucoup plus restreint » se serait avérée « suffisante pour éviter tout risque de concurrence », et que l’étendue géographique de la clause n’était pas justifiée par le savoir-faire du franchiseur, fusse-t-il « ancien, reconnu et certifié ». La clause de non-réaffiliation post-contractuelle est donc, ici aussi, annulée.
Dans la troisième affaire (CA Paris, 15 mars 2023, n° 21/14111), la Cour d’appel de Paris a eu à se prononcer sur la validité d’une clause de non-concurrence post-contractuelle insérée dans un contrat de franchise de services d’intérim. Cette clause, limitée à un an, portait sur le « territoire exclusif concédé au franchisé ».
En l’espèce, le contrat de franchise ayant été conclu en 2007 et renouvelé pour 7 ans en 2013, la Cour a relevé que c’est à tort que le tribunal de commerce avait fait application de l’article L.341-2 du Code de commerce pour invalider la clause.
La Cour a estimé que le franchiseur ne démontrait pas en quoi son savoir-faire nécessitait une protection dans l’ensemble du territoire d’exclusivité du franchisé et a donc jugé la clause de non-concurrence disproportionnée en ce qu’elle outrepassait la protection des intérêts légitimes du franchiseur, portant par la même occasion atteinte de manière excessive à la liberté d’exercice de l’activité de « prestation de service aux intérimaires et aux sociétés utilisatrices de travail temporaire ».
La Cour a donc, ici encore, annulé la clause de non-concurrence.
Ces décisions démontrent le durcissement progressif des tribunaux à l’égard des clauses de non-concurrence. La prudence impose, pour toute activité avec un point de vente et une enseigne, de limiter le champ d’application géographique aux locaux à partir desquels le franchisé exerce son activité.
Cass. Com., 13 avril 2023, n° 22-15.689
Dans cette affaire, une société israélienne a conclu en 2016 avec une société française un contrat de distribution aux termes duquel elle lui a confié la distribution exclusive, dans l’Union Européenne et en Suisse, de certains de ses produits. Les parties n’avaient pas prévu de clause attributive de juridiction ou d’arbitrage.
En 2020, les parties se fâchent et le fournisseur israélien résilie le contrat.
Le distributeur français assigne alors son fournisseur devant le Tribunal de commerce de Paris estimant être victime de manquements contractuels et d’une rupture fautive du contrat.
La société israélienne soulève l’incompétence du tribunal mais celui-ci retient sa compétence juridictionnelle.
La Cour d’appel approuve cette décision et la société israélienne se pourvoit en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Le raisonnement de la Haute juridiction est en deux temps.
D’abord, il a fallu déterminer le corpus de règles applicables. Faute de convention internationale entre Israël et la France et faute d’application du Règlement Bruxelles I bis (dans la mesure où le défendeur n’était pas domicilié dans l’Union Européenne), la Cour de cassation rappelle que « lorsqu'il n'y a ni convention internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne ». C’est donc au regard de l’article 46 du Code de procédure civile que la solution devait être recherchée.
Il a ensuite fallu qualifier le contrat de distribution, l’article 46 du Code de procédure civile ne distinguant que deux types de contrats : les contrats de vente et les contrats de prestation de services.
Pour le contrat de vente, le demandeur peut saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose. Pour le contrat de prestation de service, il peut saisir, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, le lieu de l'exécution de la prestation de service.
Le fournisseur israélien arguait que le contrat devait être qualifié de contrat de vente et que, les ventes étant faites sur la base de l’incoterm Ex Works et la livraison intervenant, par conséquent, en Israël, c’était le juge israélien qui était compétent.
La Cour d’appel de Paris puis la Cour de cassation n’ont pas suivi cette position.
En effet, la Cour de cassation a relevé que le Cour d’appel de Paris avait légalement justifié sa décision en vérifiant, conformément à la définition du contrat de service donnée par la Cour de justice de l’Union européenne, s’il existait une activité contre une rémunération (CJUE, 19 décembre 2013, n° C-9/12, Corman-Collins).
La Cour a ainsi listé les éléments s’ajoutant à la vente de produits : participation du distributeur à la stratégie commerciale du fournisseur, imposition d’objectifs de vente contraignants, droit exclusif de distribution, obligation de non-concurrence, participation aux coûts de promotion et transmission de toutes les commandes provenant des territoires concernés. La Cour en a conclu que ces avantages avaient une « valeur économique qui pouvait être considérée comme étant constitutive d'une rémunération ».
Ces éléments ont permis de considérer que le contrat de distribution entre la société française et la société israélienne constituait un contrat de prestation de service plutôt qu’un contrat de vente, et que le lieu de son exécution se situait en France, de sorte que les juridictions françaises étaient compétentes.
Cass. Com., 22 mars 2023, n°21-22.925
Dans cette affaire, la société Carrefour avait réalisé des relevés de prix au sein d’hypermarchés Leclerc afin de mettre en place une publicité comparative.
Une partie non négligeable (au moins 20%) des relevés de prix étant erronés, Leclerc avait engagé une action contre Carrefour sur le fondement de l’article L.121-8 ancien du Code de la consommation (article L.122-1 du Code de la consommation dans sa version actuelle) qui dispose que :
« Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si :
La société Leclerc reprochait à son concurrent d’avoir mis en place une publicité comparative trompeuse, qui induisait le consommateur en erreur sur la réalité des prix, et demandait à ce titre la réparation du préjudice subi.
Déboutée par la Cour d’appel, Leclerc s’est alors pourvue en cassation.
La Haute juridiction souligne, dans son arrêt, que « la publicité comparative n'est trompeuse, et donc illicite, au sens de l'article L. 121-8 précité, interprété à la lumière de l'article 4, point a), de la directive 2006/114/CE, précitée, que si elle est susceptible d'avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse. »
Elle note qu’en l’espèce, l’erreur dans la publicité comparative réalisée, qui faisait état d’un prix du panier de produits plus élevé de 15,9% chez Leclerc alors qu’il ne l’était en réalité que de 13%, « la Cour d’appel pouvait retenir qu’il n’était pas démontré que cette publicité comparative, même reposant sur des éléments faux dans la limite précédemment indiquée, ait été de nature à modifier le comportement économique du consommateur ».
Malgré l’erreur sur une partie des chiffres, celle-ci n’était pas suffisamment importante pour rendre la publicité comparative de Carrefour illicite.
On pourrait s’émouvoir de cette position mais, ce faisant, la Cour fait preuve d’un certain pragmatisme, l’erreur n’étant en l’espèce ni volontaire, ni substantielle.
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