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Philippe Glaser

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Leonardo Pinto

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29 octobre 2020

La lettre du CGP n° 14

  • In-depth analysis

En bref

L’AMF transmet au Parquet National Financier deux dossiers où sont suspectées des pratiques dites de « boiler room », caractérisant ainsi des faits d’escroquerie et blanchiment

La technique de la bouilloire (ou boiler room) est une pratique dans laquelle une entité qui prétend agir comme société de courtage ou de gestion approche des investisseurs – souvent par téléphone – et leur fait miroiter un formidable potentiel de hausse d’une action qu’il faut saisir rapidement. Les achats ainsi suscités font monter le cours et servent l’argumentaire de l’entité qui suscite d’autres achats, entretenant de fait une pression acheteuse sur ce titre, qui fait monter artificiellement le cours de bourse, la société de gestion pouvant elle- même revendre à de meilleures conditions financières le grand nombre d’actions détenues. Dès que cette activité de vente cesse, le cours du titre baisse brutalement.

Ces pratiques relèvent d’infractions pénales d’escroquerie et de blanchiment.

En juin 2018 et en septembre 2019, l’AMF avait indiqué disposer d’indices la conduisant à suspecter que des recommandations d’achats de ce type étaient émises concernant des actions cotées sur Euronext Access à savoir les valeurs Orclass et Arthur Maury. L’AMF a donc transmis ces dossiers au Parquet national financier pour que les investigations nécessaires soient menées.

L’AMF appelle à la vigilance l’ensemble des acteurs du marché sur ces risques de fraude qui se sont multipliés depuis la crise sanitaire.

L’AMF met à jour la liste des acteurs qui proposent d’investir dans des biens divers ou du trading d’options binaires sans y être autorisés

L’AMF met en garde le public contre les activités de plusieurs acteurs qui proposent d’investir dans des biens divers sans y être autorisés. La liste des sites internet est consultable sur le site de l’AMF.

L’AMF rappelle que la commercialisation, la distribution et la vente, en France ou à partir de la France, d’options binaires à des clients non professionnels sont interdites.

Depuis le 1er janvier 2020, l’AMF a ajouté 70 noms sur sa liste des sites non autorisés à proposer des investissements dans des biens divers. Sur l’ensemble de l’année 2019, cette liste avait été complétée de 112 adresses de sites.

Toute offre d’investissement dans des biens divers doit être enregistrée à l’AMF pour être commercialisée. La liste blanche des offres enregistrées en biens divers est consultable sur le site internet de l’AMF.

A noter : il est rappelé, afin d’éviter de figurer sur ces « listes noires », qu’il convient de veiller à respecter les dispositions des articles L.550-1 et R550-1 du Code monétaire et financier relatifs aux placements en biens divers, dont l’interprétation reste malheureusement très fluctuante.

Nouveautés réglementaires

Modification de la position- recommandation DOC-2014-07 dit « Guide relatif à la « meilleure exécution » »

Le principe de « meilleure exécution » (« best execution »), qui résulte de la directive MIF II, consiste, pour un prestataire de services d’investissement, à obtenir, lors de l’exécution des ordres, le meilleur résultat possible pour les clients.
L’Autorité des marchés financiers (AMF) met à jour sa position- recommandation DOC-2014-07 sur ce sujet afin de prendre en compte la transposition de la directive MIF 2.

Lors de la transposition de la directive MIF II, plusieurs nouveautés ont été introduites, parmi lesquelles :

  • l’application du régime de la meilleure exécution aux opérations de financement sur titres ;
  • la modification de la définition du principe de meilleure exécution (préférant ainsi les « mesures raisonnables » aux « mesures suffisantes »), preuve d’une exigence plus forte de conformité ou encore ;
  • le renforcement des exigences en matière d’avantages et rémunérations et ses conséquences sur les pratiques de paiements pour flux d’ordres.

La position-recommandation de l’AMF DOC-2014-07 est donc mise à jour pour tenir compte de ces modifications. L’AMF profite également de cette mise à jour pour introduire d’autres modifications.

L’AMF introduit ainsi une recommandation invitant les PSI à appliquer un Q&A de l’ESMA portant sur les modalités d’application de l’obligation de vérification de l’équité du prix pour les transactions de gré à gré.

Selon l’AMF en effet, les PSI doivent s’assurer qu’ils ont mis en place les procédures et dispositifs nécessaires ainsi que des systèmes d’évaluation du prix appropriés, en incluant les données de marché dans leur processus d’évaluation et remettre en question leurs modèles de valorisation en vue de s’assurer qu’ils vérifient les prix de manière efficace. L’AMF précise que « les mêmes exigences s’imposent lorsqu’ils placent des ordres qui résultent d’une décision de négocier concernant des produits de gré à gré. » Dans ce cas, conformément aux directives de l’ESMA, les PSI devront conserver des enregistrements et/ou documents attestant de la bonne exécution de cette obligation et démontrant que les décisions sont prises dans le meilleur intérêt du client et ne sont pas biaisées par d’éventuels conflits d’intérêts.

En outre, l’AMF émet une deuxième nouvelle recommandation visant à rappeler les sources de données pertinentes pour la vérification de la qualité de l’exécution.

Enfin, l’AMF adopte une nouvelle position qui prévoit que la définition de la notion de « changement important » prévue en matière de politique de sélection soit applicable également comme déclencheur du réexamen de la politique d’exécution.

Ces recommandations viennent donc clarifier la position de l’AMF quant aux contours de la notion de « meilleure exécution » de la directive MIF II.

Mise à jour de la doctrine de l’AMF sur l’utilisation de la dénomination « prudent » dans la gestion collective ou la gestion sous mandat

L’AMF met à jour sa doctrine sur l’utilisation de la dénomination « prudent » pour les placements collectifs et la gestion sous mandat afin de distinguer cette notion de celle de « prudent horizon retraite » utilisée dans le cadre des nouveaux plans d’épargne retraite individuels (PERI).

On rappellera en effet que le PERI, produit d’épargne retraite permettant à son titulaire d’investir des capitaux pendant sa vie active pour obtenir à partir de l’âge de la retraite un capital ou une rente (crée par la loi PACTE). Or, le produit en question est accessible à un investisseur au profil « prudent horizon retraite », qui permet au titulaire du PERI d’être investi jusqu’à 70% en actifs risqués dix ans avant son départ à la retraite.

L’AMF relève que ce qualificatif de « prudent horizon retraite » ne doit pas être confondu avec le terme « prudent » utilisé par les gérants dans le cadre de gestion des placements collectifs ou des mandats. L’utilisation du terme « prudent » est en effet réservée aux portefeuilles qui ne sont pas exposés à plus de 30% dans des actifs risqués, conformément à la doctrine de l’AMF.

Par conséquent, l’AMF ajuste sa doctrine1 afin d’intégrer les précisions suivantes :

  • la recommandation faite aux gérants des mandats de ne pas utiliser la dénomination « profil prudent » pour les portefeuilles exposant plus de 30% de leur actif net à des actifs risqués, ne concerne pas les mandats conclus dans un objectif de long terme avec un horizon de placement identifié en cas de fourniture d’un service de gestion de portefeuille pour le compte de tiers dans le cadre des dispositifs d’épargne retraite et utilisant la dénomination « profil prudent horizon retraite » ; et
  • la doctrine en matière d’utilisation du terme « prudent » dans la dénomination des placements collectifs ne s’applique pas aux placements collectifs ne pouvant être souscrits que dans le cadre des plans d’épargne retraite et utilisant la dénomination « prudent horizon retraite ». Ce qualificatif « prudent horizon retraite » est exclusivement réservé aux placements collectifs souscrits dans le cadre des plans d’épargne retraite. Son usage complet est impératif et le terme « prudent » ne peut y être employé seul.

 

Jurisprudence

L’AMF sanctionne un CIF pour manquements aux obligations d’information loyale et sincère dans la documentation remise aux clients

La Commission des Sanctions de l’AMF a rendu une décision le 23 juillet 2020 concernant la commercialisation des produits « Maranatha » consistant dans une opération d’investissement dans des sociétés commerciales dont l’objet social était l’exploitation d’hôtels, parfois couplées avec un investissement en compte courant, dont la durée de détention conseillée était de 5 à 8 ans et le rendement annuel offert de 8 à 13,3 % environs.

Il était reproché au CIF de ne pas avoir agi avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de leurs clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et objectifs, et ce en violation des dispositions applicables du CMF.

La Commission des Sanctions a donc considéré que le grief pouvait être caractérisé dans l’éventualité où le CIF aurait favorisé la commercialisation du produit « Maranatha » sans pour autant alerter les clients du risque d’investir dans ce produit.

La Commission des Sanctions relève ainsi que le CIF avait reçu des informations sur les risques, dont notamment le risque lié à la solvabilité de Maranatha SAS et du groupe, le risque de perte en capital, le risque de ne percevoir aucun rendement et le risque d’absence de liquidité des titres dans l’hypothèse où Maranatha SAS, qui consentait une promesse de rachat d’actions à tous les investisseurs, quelle que soit la SCA concernée, ne pourrait pas honorer sa promesse de rachat.

Ainsi, il était clairement indiqué que le rendement et le rachat promis dépendaient de la solidité financière de la holding Maranatha SAS, qui contrôlait le groupe Maranatha et donc potentiellement du groupe entier.

Le CIF avait également reçu un courriel de la directrice du développement de Maranatha Finance indiquant que le commissaire aux comptes n’avait pas certifié les comptes.

Or, le CIF avait transmis partiellement ces informations à ces clients, voire, pour certains d’entre eux, aucune information n’avait été transmise.

Le manquement à son obligation d’exercer son activité avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent, au mieux des intérêts de ses clients, afin de leur proposer une offre de service adaptée et proportionnée à leurs besoins et objectifs, au sens du 2° de l’article L. 541-8-1 du code monétaire et financier est donc caractérisé selon l’AMF.

Il était également reproché au CIF d’avoir recommandé à ses clients d’investir dans les produits OCPFinance en leur communiquant des informations ne présentant pas un contenu exact, clair et non trompeur, sur l’importance
(i) de la prime d’émission prévue par ces produits et le recours limité des investisseurs sur l’actif des sociétés qui en découlait, et (ii) du coût des travaux d’aménagement des immeubles réduisant la décote du prix total de leur acquisition par rapport au prix de marché.

La Commission des Sanctions relève donc que sur le bulletin de souscription, aucune information n’était donnée ni sur la prime d’émission, ni sur les travaux et leur coût.

Ainsi, en transmettant l’information telle quelle sans indiquer à ses clients qu’il existait une inadéquation entre les montants investis et leur possibilité d’exercer un recours sur l’actif des sociétés financées, TEC Assurances n’a pas permis à ses clients d’avoir une vision exacte du risque supporté.

La Commission des Sanctions relève également le fait que les modalités de rémunération du CIF n’étaient pas correctement indiquées dans la lettre de mission, qui indiquait que « le client est informé que pour tout acte d’intermédiation, le conseiller est rémunéré par la totalité des frais d’entrée déduction faite de la part acquise à la société qui l’autorise à commercialiser le produit, auxquels s’ajoutent une fraction des frais de gestion qui est au maximum de X % de ceux-ci ».

Selon l’AMF, la lettre de mission aurait dû indiquer clairement le pourcentage de rémunération tant sur le capital investi que sur les encours.

Enfin, l’AMF relève que les rapports remis au client étaient insuffisants dans la mesure où ils comportaient les mentions suivantes : « Risques : expliqués sur la plaquette » ou « Risques du placement : explication et remise des documents ».

En raison de l’ensemble de ces manquements, le CIF est condamné à une sanction pécuniaire de 100.000 euros et une interdiction d’exercer la profession de CIF pour une durée de cinq ans.

Notre avis : cette décision invite à redoubler de vigilance quant à la qualité de l’information donnée sur les risques. Il convient de ne pas se limiter à renvoyer au dossier de souscription pour l’identification et la présentation des risques liés à l’investissement. De même, l’AMF invite à identifier clairement les modalités de rémunération au sein de la lettre de mission.

La Cour de cassation rappelle les limites de l’obligation d’information et de conseil du courtier en assurance (1ère Chambre Civile, 7 octobre 2020 18-20.525, Inédit)

Dans le cadre d’un incendie s’étant déclaré sur une usine de traitement de déchet, l’exploitant du site avait agi à l’encontre des intervenants sur le chantier et l’un de ces intervenants avait attrait à la cause le courtier en assurance qui lui avait recommandé de souscrire un contrat d’assurance applicable au sinistre.

Confronté aux limites de plafond de garantie de ce contrat, l’intervenant soutenait devant la Cour de cassation le principe selon lequel le courtier d’assurance, mandataire de son client, est tenu de lui proposer une assurance adaptée à ses besoins, qu’il doit le conseiller utilement sur l’étendue des garanties offertes et attirer spécialement son attention, de manière circonstanciée, sur les limites qu’elles comportent au regard des risques à assurer, préalablement à la conclusion de tout nouveau contrat d’assurance, afin de lui permettre d’y consentir en parfaite connaissance de cause.

Or, en l’occurrence, l’intervenant reprochait au courtier de l’avoir informé, en 2004, que la couverture lui « paraissait faible » et de n’avoir, trois ans plus tard, soit au moment de la souscription à un autre contrat d’assurance, émis aucune observation sur le fait que le contrat qui allait être souscrit pouvait lui aussi être insuffisant.

Par arrêt du 7 octobre 2020, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir jugé qu’aucune faute du courtier n’était caractérisé dès lors que celui-ci avait bien indiqué à son client que la couverture initiale « lui paraissait faible » et que ce dernier avait donc décidé ensuite, en toute connaissance de cause, de ne contracter des polices d’assurance qu’aux conditions de primes les moins onéreuses pour sa part, avec pour corrélatif une moindre couverture au titre des plafonds de garantie successivement souscrits.

La Cour de cassation relève donc que si la garantie souscrite était « adaptée au risque encouru » mais pas dans la « quantification du risque », à savoir le plafond de garantie, le courtier n’en avait pas moins commis aucun manquement à son obligation d’information et de conseil.

Notre avis : cette décision permet de nuancer les limites de l’obligation de conseil et d’information. On retiendra que si en l’occurrence le client n’a pas eu gain de cause à l’encontre du courtier, il n’en demeure pas moins que ce dernier avait bien alerté son client des limites de sa couverture de garantie. En définitive, le courtier en assurances se doit d’informer son client sur l’état de sa garantie et lui conseiller de souscrire des garanties supplémentaires, si nécessaire.

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