En bref
Analyse du marché français des produits structurés
Communiqué du Pôle commun de l’AMF et de l’ACPR du 1er avril 2025
Le Pôle commun de l'AMF et de l'ACPR a publié une analyse sur le marché des produits structurés en France, un marché en forte croissance depuis 2021. Ces produits, souvent complexes, dépendent de l'évolution d'un actif sous-jacent (comme une action ou un indice) et peuvent comporter des risques de perte en capital.
L'étude, réalisée entre 2021 et 2023, révèle que la collecte brute de ces produits a quasiment doublé, passant de 23 milliards d'euros en 2021 à près de 42 milliards en 2023, principalement dans le cadre de l'assurance-vie.
Près de la moitié des produits vendus sont destinés à des investisseurs avertis, et environ un tiers des produits comportent une protection totale du capital. Cependant, deux tiers des produits restent soumis à un risque de perte en capital.
La performance de ces produits a été globalement positive, avec des rendements médians entre 6 et 7 % par an, bien que ces performances ne garantissent pas des résultats futurs, surtout en cas de conditions de marché moins favorables.
L'AMF et l'ACPR continuent de surveiller ce marché pour assurer la protection des épargnants et la conformité des produits avec les règles de régulation, notamment la complexité des produits, qui est jugée modérée pour la majorité des offres.
Enfin, l'étude a révélé un recul des produits structurés intégrant des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (« ESG »).
Rappel des obligations professionnelles des CIF qui recourent à des plateformes de référencement de produits financiers
Communiqué de l’AMF du 25 mars 2025
L'AMF rappelle que les conseillers en investissements financiers (CIF) qui utilisent des plateformes de référencement de produits financiers doivent respecter certaines obligations professionnelles, même si ces plateformes sont régulées.
- Responsabilité des CIF : en s'appuyant sur les plateformes, les CIF restent responsables de leurs conseils lorsqu’ils recourent à des tiers, régulés ou non. Ils doivent nécessairement mener une analyse approfondie des produits financiers proposés, et ne pas se fier de manière passive aux analyses de la plateforme.
- Liens entretenus avec la plateforme: les CIF doivent fournir des informations claires, exactes et non trompeuses sur leur relation avec les plateformes, notamment en évitant de prétendre à une indépendance alors que des liens d'affaires existent.
- Obligation de diligence: les CIF doivent analyser les produits qu'ils conseillent, s'assurer qu'ils correspondent aux besoins des clients.
- Obligation de formation : les CIF doivent suivre une formation annuelle pour garantir une compréhension approfondie des produits proposés.
- Statut de CIF adopté par les plateformes : si une plateforme fournit des conseils en investissement, elle doit être immatriculée en qualité de CIF. Ce statut n’est cependant pas adapté pour une entité qui ne fournit pas de conseil en investissement. A cet égard, faut-il rappeler que conformément à l’article L. 541-4 III du code monétaire et financier, le retrait de l'adhésion du CIF à son association professionnelle peut être décidé d'office par cette dernière si le CIF n'a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion ou s'il n'exerce plus son activité depuis au moins six mois.
- Conseils en investissement : avant de conseiller un produit, les CIF doivent avoir analysé ses caractéristiques et s'assurer qu'il est adapté à la situation et aux objectifs du client. Ils doivent aussi respecter les obligations de gouvernance des produits et recueillir les informations nécessaires auprès des clients.
- Rémunération et gestion des conflits d'intérêts : les CIF doivent être transparents sur les rémunérations reçues et versées et mettre en place un système de gestion des conflits d’intérêts.
En résumé, bien que l'utilisation de plateformes soit permise, elle n'exonère pas les CIF de leurs obligations légales et professionnelles, notamment la responsabilité vis-à-vis des conseils donnés et l'exigence de transparence avec leurs clients.
Les sanctions pécuniaires prononcées par une autorité administrative ne sont pas assurables
Communiqué de l’ACPR du 18 mars 2025
Comme tout contrat, un contrat d'assurance doit respecter l'ordre public. De ce fait, il ne doit pas entraver l'exécution des peines qui doivent être personnellement purgées par la personne responsable d'une infraction ayant entraîné une sanction.
Ce principe constitutionnel de la personnalité des peines en matière pénale s’impose aux sanctions administratives.
L'ACPR rappelle ainsi que le paiement par un assureur d'une sanction financière prononcée par une autorité administrative, de la même manière que les amendes fiscales, pénales et douanières, contrevient à l'ordre public.
Par conséquent, toute clause contractuelle qui prévoirait une telle prise en charge serait considérée comme nulle, sous réserve de l'appréciation des tribunaux.
Nouveauté réglementaire
Directives du 27 novembre 2024
Directives publiées au Journal officiel de l’Union Européenne le 8 janvier 2025
Deux directives ont été adoptées définitivement, modifiant la directive Solvabilité II (2009/138/CE) et introduisant de nouvelles règles sur le redressement et la résolution des défaillances dans le secteur des assurances (IRRD).
Cette directive, du 27 novembre 2024, établit un cadre de redressement et de résolution pour les entreprises d'assurance et de réassurance, ainsi que pour certaines entités connexes, comme les sociétés holding d'assurance et leurs succursales dans des pays tiers. Elle définit des règles sur la gestion des défaillances des assureurs, y compris pour les prestataires de services essentiels lorsqu’une entreprise d’assurance est en procédure de résolution.
Les autorités de résolution et de contrôle doivent prendre en compte plusieurs facteurs, tels que la nature de l'activité, la structure de l'actionnariat, le profil de risque, et l’interconnexion avec d'autres établissements ou systèmes financiers. Les États membres peuvent adopter des règles plus strictes, tant qu’elles ne contredisent pas les dispositions de la directive.
La seconde directive, également du 27 novembre 2024, modifie la directive Solvabilité II, en abordant des sujets comme la proportionnalité, la qualité du contrôle, la communication d’informations, et les risques en matière de durabilité. Elle renforce le rôle du secteur de l'assurance comme source d'investissement à long terme pour les entreprises européennes tout en améliorant sa résilience face aux défis futurs.
- Entrée en vigueur et transposition :
Ces directives sont entrées en vigueur le 28 janvier 2025, et les États membres sont invités à les transposer dans leur législation nationale au plus tard le 29 janvier 2027.
Jurisprudence
Assurance-vie – Les versements peuvent être réintégrés à la succession, pas le capital
Cour d’appel de Reims, 21 février 2025, n°23/01978
Un homme âgé de 85 ans, placé sous curatelle renforcée, souscrit une assurance-vie d'un montant de 150.000 euros en faveur de sa troisième et dernière épouse. Quelques mois plus tard, il décède.
Ses quatre filles, issues d'un précédent mariage, saisissent la justice pour demander la réintégration du capital de l'assurance-vie dans la succession. Elles estimaient que ce versement était disproportionné.
Elles fondent leur action sur l’article L.132-13 du code des assurances, aux termes duquel :
« Le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.
Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».
Ainsi, le rapport à la succession prévu par l'article L.132-13 du code des assurances ne porte que sur les sommes versées par le contractant à titre de primes, lorsque celles-ci étaient manifestement exagérées eu égard à ses facultés.
Au visa de ce texte, la Cour de cassation rappelle d’ailleurs que l'héritier bénéficiaire d'un contrat d'assurance-vie, dont les primes versées ont été considérées comme excessives au visa de l'article L.132-13 alinéa 2 ci-dessus énoncé, ne devait toutefois rapporter à la succession que les seules primes versées à l'exclusion des sommes et des intérêts perçus au titre des assurances sur la vie souscrites par le de cujus (Cass. Civ 1ère, 16 décembre 2020, n° 19-17.517).
En application de ces dispositions et jurisprudence, les demanderesses obtiennent gain de cause sur le principe de la réintégration.
La cour d'appel de Reims prend le soin de préciser que ce sont les primes versées, et non le capital, qui doivent être réintégrées à la succession
Conditions d’application du recours subrogatoire de l’assureur
Cour de cassation, Deuxième Chambre civile, 13 février 2025, n°23-17.606
A la suite d’un incendie, une compagnie d’assurance indemnise son assuré et, subrogée dans les droits de ce dernier, assigne en justice la société propriétaire des locaux commerciaux. Condamnée, la société se pourvoit en cassation.
Pour rappel, l'article L.121-12 du Code des assurances stipule que l'assureur qui a indemnisé son assuré est subrogé dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers responsables du dommage ayant donné lieu à l'indemnisation. Cela signifie que l'assureur prend la place de l'assuré pour poursuivre, au nom de ce dernier, la personne responsable du dommage, et ce, jusqu'à concurrence de l'indemnité versée.
La Cour de cassation retient que la cour d'appel a fait une bonne application des dispositions de l'article L.121-12, en reconnaissant que la compagnie d’assurance, subrogée dans les droits de la SCI, pouvait réclamer la créance au propriétaire des locaux commerciaux.
Plus précisément, la Haute juridiction relève que l’assureur produit des quittances subrogatives et des lettres-chèques et énonce qu’elle justifie ainsi de sa subrogation dans les droits de son assurée.
Lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme – Un bien lié à une infraction présumée peut être saisi sans qu’il soit nécessaire de prouver son origine criminelle
Cour de cassation, Chambre Criminelle, 12 février 2025, n°24-86.467
Un juge d'instruction avait ordonné la saisie d’un yacht dans le cadre d'une enquête liée au blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
La société propriétaire a contesté le fait que le yacht ait pu être considéré comme le produit des infractions de blanchiment, arguant que ces délits ne créaient pas de bénéfices directs – contrairement à d’autres activités criminelles comme l’escroquerie ou le trafic de drogue.
En dernière instance, la Cour de cassation a validé la saisie du yacht, lié à un schéma de blanchiment d'argent, même sans qu'il soit nécessaire de prouver l'origine exacte des fonds.
Elle a jugé que l'article 324-1 du code pénal permet de considérer un bien comme étant le produit d'une infraction lorsqu'il a été acquis dans des conditions qui présentent des indices sérieux de blanchiment, même si l'infraction elle-même n'est pas précisément identifiée.