21 novembre 2025
Du nouveau concernant les pouvoirs de l'administration
Rupture brutale de relation commerciale établie : rappels et appréciations utiles de la Cour d'appel de Paris
Avantage sans contrepartie : exclusion des avantages tarifaires relevant des obligations d’achat et de vente
Concurrence déloyale : le non-respect des règles de publicité par un concurrent cause un préjudice indemnisable
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Loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques
Tribunal administratif de Paris, 9 juillet 2025, n° 2206656/2-2
Une nouvelle loi et un jugement du Tribunal administratif de Paris sont venus, dans le courant de l'été 2025, remodeler le paysage des règles applicables aux injonctions et aux astreintes imposées par l'administration.
D'un côté, la loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 qui, en renforçant encore les pouvoirs d’enquête et de sanction de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), a souhaité doter l’administration de moyens adaptés à la transformation numérique de l’économie et à la sophistication des pratiques commerciales frauduleuses, faisant de la DGCCRF non plus uniquement un organe de contrôle, mais une autorité d’intervention.
En particulier, la loi renforce les outils répressifs à la disposition de la DGCCRF.
Ainsi, la possibilité donnée aux agents de la DGCCRF de fixer une astreinte journalière correspondant à une fraction du chiffre d'affaires de la personne morale concernée, prévue par l'article L. 521-1 du Code de la consommation, a été étendue aux manquements au Code de la consommation passibles d'une amende administrative d'au moins 75.000 euros, alors même que cette possibilité ne concernait, à l'origine, que les "infractions", pénalement répréhensibles. Cette astreinte journalière peut atteindre 0,1% du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé par la société concernée au cours de son dernier exercice clos et concerne les manquements les plus graves, tels que les manquements aux obligations incombant aux professionnels en matière de démarchage téléphonique (sanction prévue à l'article L. 242-16 du Code de la consommation) ou les obligations d'information précontractuelle du consommateur incombant aux fournisseurs de place de marché en ligne (sanction prévue à l'article L. 131-4 du Code de la consommation).
Le total des sommes demandées au titre de la liquidation de l'astreinte n'a pas évolué, et reste limité à 5% du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos.
Pour les infractions les moins graves, l'astreinte journalière maximale demeure de 3.000 euros, avec un maximum de 300.000 euros pour le total des sommes demandées au titre de la liquidation de l'astreinte.
La mesure de publicité de l'injonction prononcée, prévue à l'article L. 521-2 du Code de la consommation, connait également une évolution. La version de l'article antérieure à la loi commentée prévoyait qu'en cas d'inexécution de la mesure de publicité par l'entreprise, l'autorité administrative pouvait la mettre en demeure de publier la décision sous peine d'une astreinte journalière de 150 euros à compter de la notification de la mise en demeure. La version de l'article issue de la loi du 30 juin 2025 prévoit que la mesure de publicité de l'injonction peut être assortie d'une astreinte ne pouvant excéder 0,05% du chiffre d'affaires mondial hors taxes réalisé par la personne morale concernée sur son dernier exercice clos.
Le Tribunal administratif de Paris a également eu l'occasion de se prononcer sur le sujet des injonctions et des astreintes dans un arrêt rendu le 9 juillet dernier.
En 2019, le tribunal de commerce de Paris avait condamné Amazon en raison de clauses constitutives d'un déséquilibre significatif dans ses contrats avec les vendeurs tiers, en lui infligeant une amende de 4 millions d’euros et en lui ordonnant de modifier plusieurs clauses. Malgré cette décision, le Service national des enquêtes (SNE) du ministère de l’Économie a considéré, en 2021, que certaines clauses demeuraient contraires au Code de commerce (art. L. 442-1, I, 2°) et au règlement européen 2019/1150 dit « P2B ». Il a donc enjoint Amazon de se mettre en conformité dans un délai de trois mois, sous peine d’une astreinte journalière de 90.000 euros.
Cette injonction a été contestée par Amazon devant le tribunal administratif de Paris. Amazon soutenait notamment que l’astreinte constituait une sanction répressive, entraînant l’application des garanties de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cet argumentaire est rejeté par le Tribunal administratif, qui considère que l'astreinte vise à infléchir des pratiques commerciales, et qu'elle constitue ainsi une mesure de police administrative et non une sanction répressive. Par conséquent, l'astreinte ne relèverait pas de la matière pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le sujet du respect des droits de la défense ne se poserait pas.
Selon le Tribunal, l’astreinte ne devient exigible que si l’entreprise ne se conforme pas à l’ordre de mise en conformité, et son but est donc purement incitatif. Cette analyse écarte ainsi la qualification de sanction, et avec cette notion, toute exigence de procédure contradictoire ou de contrôle de proportionnalité.
L'astreinte pourrait ainsi, et cela semble tout à fait discutable, atteindre 1% du chiffre d'affaires mondial sans être qualifiée de sanction. Or, en droit européen, les astreintes sont expressément assimilées à des sanctions pécuniaires. Il résulte d'ailleurs de la jurisprudence Engel de la CEDH du 8 juin 1976 qu'une mesure est « pénale » dès lors qu’elle a un effet punitif ou dissuasif.
Le jugement du Tribunal administratif de Paris consacre ainsi une vision administrative de la régulation économique autorisant l’administration à imposer des injonctions assorties d’astreintes très lourdes, sans que celles-ci soient qualifiées de sanctions. Cette position renforce les pouvoirs de l'administration au détriment de la protection procédurale des entreprises et de leurs droits fondamentaux garantis par le droit européen.
La question pourrait, à terme, être portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui pourrait rétablir l’équilibre entre efficacité administrative et garanties procédurales.
CA Paris, 9 juillet 2025, n° 23/16680 ; n° 23/18293 et n° 23/16348
La rupture brutale de relation commerciale établie est une pratique restrictive de concurrence interdite par l'article L.442-1, II du Code de commerce qui peut engendrer de lourdes sanctions pécuniaires.
La Cour d'appel de Paris a rendu trois décisions en juillet 2025 dans lesquelles elle a procédé à un rappel utile des critères de la rupture brutale de relation commerciale établie.
La Cour a ensuite souligné que la relation commerciale est établie dès lors qu'il était possible, pour la partie victime de la rupture de "raisonnablement anticiper, pour l'avenir, une certaine continuité du flux d'affaires avec son partenaire commercial".
Enfin, la Cour a rappelé, dans l'arrêt n°23/16680, qu'une relation commerciale établie peut être caractérisée même si la relation est nouée avec des personnes successives différentes. Toutefois, dans ce cas, il faut que (i) la relation se poursuive dans les mêmes termes et (ii) la commune intention des parties était de poursuivre la relation antérieure.
En l'espèce, la Cour a relevé que l'acte de cession de fonds de commerce ne faisait pas mention du partenariat établi entre l'entrepreneur et la société cédante. La Cour a ensuite noté que le fait pour un entrepreneur de continuer la pose de cuisines pour le compte du cessionnaire de la société avec laquelle il était en relation et a effectuer des poses de cuisines depuis plus de 10 ans et de soutenir que "la relation commerciale s'est poursuivie dans les mêmes conditions avant et après la cession du fonds de commerce" était insuffisant pour démontrer que le cessionnaire avait l'intention de poursuivre la relation commerciale établie par le cédant. Dans cette affaire, la société cessionnaire avait même fait valoir qu'elle ne souhaitait plus attribuer d'exclusivité à l'entrepreneur pour la pose des cuisines et souhaitait diversifier ses équipes. La Cour en a déduit que la relation préexistante ne s'était pas poursuivie et ne pouvait donc être prise en compte.
2. La Cour d'appel a ensuite rappelé que le second critère permettant de caractériser la pratique restrictive de concurrence est la rupture, qu'elle soit totale ou partielle, de la relation. Celle-ci se matérialise concrètement par " le tarissement du flux d'affaires" ou "la notification de la rupture qui correspond à l'annonce faite par un cocontractant à l'autre de sa volonté univoque de cesser la relation à une date déterminée […] " (CA Paris, 9 juillet 2025, n° 23/18293 ; CA Paris, 9 juillet 2025, n° 23/16348).
Dans l'arrêt n°23/16680, la Cour a ainsi souligné que le fait, pour une société, de ne plus confier de prestation à réaliser à un entrepreneur partenaire, est une rupture de la relation commerciale établie qui lui est imputable.
Dans l'arrêt n°23/18293, la Cour a, au contraire, estimé que le fait, pour une entreprise, d'annoncer à son partenaire commercial ne pas être en capacité de fournir des quantités de produits supplémentaires sur une période donnée n'engendre pas de modification substantielle de la relation commerciale établie. Elle a précisé qu'en l'espèce, il n'était pas démontré un accord de volontés entre les parties sur des seuils minimums d'approvisionnement en produits et, au cours de la relation, la diminution de la quantité des produits fournis avait déjà eu lieu (et était donc inhérente à la relation commerciale) dès lors qu'elle était corrélée à la capacité de production saisonnière du fournisseur. Toutefois, dans ce même arrêt, la Cour a rappelé qu'une lettre notifiée par une partie à son partenaire commercial, manifestant de manière non équivoque sa volonté de mettre fin à la relation commerciale existante, actait la rupture de la relation commerciale établie.
Dans l'arrêt n°23/16348, la Cour a retenu que, lors d'une négociation commerciale avancée, le fait pour une partie de faire une contre-proposition comprenant des conditions très différentes des années précédentes (en termes de prix, de volumes, de délais de paiement et des conditions d'exclusivité) constituait une rupture brutale de relation commerciale établie dans la mesure où les conditions de la relation commerciale existence avaient subi une "modification substantielle" et que le partenaire en cause "ne pouvait plus légitimement espérer pouvoir renégocier les principales conditions posées".
3. Enfin, les juges soulignent que la pratique restrictive de concurrence est caractérisée si la rupture a un caractère soudain, brutal, c’est-à-dire qu'elle est actée par l'une des parties sans notification d'un préavis à l'autre partie, ou avec un préavis insuffisant, compte tenu de l'ancienneté de la relation commerciale et d'autres facteurs.
En se fondant sur la jurisprudence antérieure, la Cour d'appel souligne que le préavis s'entend comme le "temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, soit pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement en bénéficiant, sauf circonstances particulières, d'un maintien des conditions antérieures" (cité dans CA Paris, 9 juillet 2025, n° 23/18293 ; CA Paris, 9 juillet 2025, n° 23/16348).
Pour évaluer le caractère suffisant du préavis, plusieurs critères peuvent être pris en compte. Le premier et le plus important est l'ancienneté de la relation commerciale. Mais d'autres critères peuvent entrer en jeu: l'état de dépendance économique éventuel de la victime, le volume d'affaires réalisé, les investissements effectués, la spécificité du marché, la proportion de l'activité de l'auteur de la rupture dans l'activité globale de la victime...
Dans l'affaire n°23/16680, la Cour a décidé qu'un préavis de 3 mois pour une relation commerciale établie de 18 mois était nécessaire et suffisant. Elle s'est fondée sur le fait que d'une part, l'entrepreneur individuel réalisait la quasi-totalité de son chiffre d'affaires avec la société auteur de la rupture mais d'autre part qu'il ne faisait pas état d'éléments concrets relatifs au marché ou d'autres difficultés que son âge "pour retrouver un partenaire équivalent ".
Dans l'affaire n°23/18293, la Cour a retenu que le délai de préavis de 15 mois octroyé par l'auteur de la rupture pour une relation d'une durée de 14 ans apparaissait suffisant car il était "conforme à la durée de la relation commerciale établie et à ses caractéristiques propres". En l'espèce, la Cour a retenu que l'état de dépendance économique invoqué par la victime n'était pas démontré, ni la "particulière notoriété du produit", lesquels auraient pu, sinon, justifier un délai de préavis plus important.
Enfin, s'agissant du calcul du préjudice, la Cour, dans son arrêt n°23/16680, a rappelé les règles applicables : le préjudice indemnisable est celui qui résulte "de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même" et s'évalue "en considération de la perte de marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis éludé". La marge à retenir est la marge sur coûts variables, déduction faite, le cas échéant, de "la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période".
Cass. Com., 25 juin 2025, 24-10.440
Par un arrêt rendu le 25 juin 2025, la Cour de cassation a restreint le champ du contrôle de l’avantage sans contrepartie, en excluant du dispositif les avantages relevant des obligations d’achat et de vente consentis par le fournisseur au distributeur, sur le fondement des anciens articles L. 441-6, I, L. 441-7, I et L. 442-6, I du Code de commerce.
Pour mémoire, l'ancien article L. 442-6, I du Code de commerce était rédigé de la manière suivante :
"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (…)"
Dans cette affaire, la DGCCRF et la DIRECCTE avaient constaté que les conventions annuelles conclues entre le groupement d’achats des centres E. Leclerc (Galec) et ses fournisseurs prévoyaient une « remise additionnelle et inconditionnelle » de 10 % lorsque les produits référencés chez Leclerc l’étaient également chez Lidl.
Estimant que cette réduction de prix constituait un avantage sans contrepartie, le ministre chargé de l’Économie avait assigné le Galec en nullité de ces clauses, en cessation de ces pratiques, en restitution des sommes perçues et en paiement d’une amende civile.
Dans un arrêt du 25 octobre 2023, la cour d’appel de Paris avait rejeté ces demandes, considérant que la remise litigieuse faisait partie intégrante de la négociation commerciale des conditions de vente et ne rémunérait donc pas un service commercial au sens de l’article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce. De plus, la contrepartie de cette remise consistait dans le "maintien du flux d’affaires entre les parties" et devait être appréciée au regard du contexte de tensions concurrentielles entre les distributeurs E. Leclerc et Lidl.
Le ministre s’est pourvu en cassation, soutenant que tout avantage consenti sans service effectivement rendu, quelle qu’en soit la nature, devait être sanctionné, et que le référencement est inhérent à la relation commerciale et ne constitue donc pas un avantage spécifique pour les fournisseurs. En particulier, pour le ministre, l’avantage litigieux avait pour objet de protéger la position concurrentielle du groupement E. Leclerc sur le marché de la grande distribution et profitait ainsi au Galec, non aux fournisseurs.
La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi et confirme la position de la cour d’appel. Elle rappelle, par une interprétation combinée des anciens articles L. 441-6, L. 441-7 et L. 442-6 du Code de commerce, que "seul l’avantage ne relevant pas des obligations d’achat et de vente consenti par le fournisseur au distributeur doit avoir pour contrepartie un service commercial effectivement rendu ".
Constatant que la remise de 10 % figurait au titre des conditions de l’opération de vente (article L. 441-7, I, 1°) et non comme rémunération d’un service commercial ou d’une autre obligation (articles L. 441-7, I, 2° et 3°), la Cour en déduit que cette réduction de prix ne constituait pas un avantage au sens de l’article L. 442-6, I, 1°.
Il s'agit là d'un revirement de jurisprudence puisque, dans un arrêt de 2023 (Cass. com., 11 janv. 2023, n° 21-11.163), la Haute juridiction avait jugé que l’ancien article L. 442-6, I, 1° du Code de commerce visait tout avantage, quelle qu’en soit la nature, y compris une réduction de prix.
Il y a toutefois lieu de noter que la nouvelle rédaction du texte, que l'on trouve désormais à l'article L. 442-1, I, 1° du Code de commerce, ne vise plus un "avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu" mais, de manière plus générale, un "avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie". Il y a donc lieu d'attendre une décision de la Cour de cassation sur le nouveau texte pour savoir si la position de la Cour de cassation sera maintenue sous l'empire du nouveau texte.
Cass. Com., 4 juin 2025, n° 23-23.419
CA Paris, pôle 5 ch. 11, 4 juillet 2025, n° 22/12787
Dans la première affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2025, Lidl avait diffusé pendant des semaines des spots pour des produits à des prix attractifs, alors qu'ils n'étaient disponibles que dans certains points de vente et pour une durée limitée.
Carrefour l'a assignée en concurrence déloyale pour publicité illicite et pratique commerciale trompeuse, estimant que la campagne publicitaire violait le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 interdisant les publicités télévisées portant sur des "opérations commerciales de promotion" se déroulant sur le territoire national.
Au sens du décret, "l'opération commerciale de promotion" est "toute offre de produits ou de prestations de services faite aux consommateurs ou toute organisation d'événement qui présente un caractère occasionnel ou saisonnier, résultant notamment de la durée de l'offre, des prix et des conditions de vente annoncés, de l'importance du stock mis en vente, de la nature, de l'origine ou des qualités particulières des produits ou services ou des produits ou prestations accessoires offerts."
La cour d’appel de Paris avait rejeté la demande de Carrefour sur la violation du décret de 1992, considérant que la publicité télévisée diffusée par Lidl ne constituait pas une "opération commerciale de promotion" au sens du décret, dès lors qu'elle avait une durée supérieure à 15 semaines (seuil fixé par l'ARPP pour déterminer s'il s'agit d'une opération promotionnelle ou non) et que la preuve de l’indisponibilité des produits dans les magasins listés par Lidl n’était pas rapportée.
Par ailleurs, la cour d'appel avait estimé qu'aucune pratique trompeuse n’était démontrée, les publicités indiquant clairement que les produits concernés étaient disponibles dans certains magasins seulement.
Carrefour s'était alors pourvue en cassation.
Sur la première question (celle de la conformité de la publicité au décret de 1992), la Haute juridiction a rappelé qu'est "interdite sur des chaînes de télévision la publicité portant sur des opérations qui sont limitées dans le temps ou concernent un stock limité de produits."
Or, la Cour de cassation a noté que l'offre faite dans la publicité était également proposée dans des magasins non mentionnés dans la liste des magasins participants, mais pour une durée de moins de 15 semaines… La Cour en déduit que les offres étaient des "opérations commerciales de promotion dans l'ensemble des magasins proposant les produits faisant l'objet de publicités télévisées" et que ces publicités étaient donc interdites.
Sur la seconde question (celle de la pratique commerciale déloyale), la Cour de cassation rappelle qu’une publicité est trompeuse lorsqu’elle repose sur des indications de nature à induire en erreur sur la disponibilité du bien (article L. 121-2 du Code de la consommation).
Elle reproche ici à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande de concurrence déloyale fondée sur les pratiques commerciales trompeuses sans vérifier si la liste des magasins était aisément accessible, si la publicité permettait de comprendre que les produits n’étaient disponibles que dans une minorité de points de vente, ni si les autres supports (réseaux sociaux, presse) laissaient croire à une disponibilité générale.
La Cour de cassation casse donc l’arrêt d'appel en toutes ses dispositions et renvoie l'affaire à la Cour d'appel de Paris autrement composée.
Un mois plus tard, dans un arrêt du 4 juillet 2025, la cour d’appel de Paris, saisie cette fois par Intermarché au sujet de la même campagne publicitaire, a donc logiquement condamné Lidl à l'indemniser du préjudice subi sur le fondement de la concurrence déloyale (à hauteur de pas moins de 43 millions d'euros), estimant que la violation du décret de 1992 et la commission d'une pratique commerciale trompeuse avaient créé une distorsion de concurrence au détriment d’Intermarché.
La cour a précisé que la mention renvoyant à la liste des magasins concernés, affichée quelques secondes en petits caractères en bas à droite de l’écran et accompagnée d’une voix off, ne suffisait pas à éclairer le consommateur sur le caractère limité de l’offre.
Ce dernier constat doit inciter les têtes de réseau à la vigilance : lorsque des publicités nationales (qu'elles soit télévisées ou autres) annoncent des offres non relayées par l’ensemble des membres du réseau, il est impératif que cette restriction soit clairement portée à la connaissance du public dans le message publicitaire.
par plusieurs auteurs
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