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Marc Schuler

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Inès Tribouillet

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9 février 2022

NFT et objets virtuels : un défi pour les titulaires de droits

  • Briefing

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En reproduisant et en offrant à la vente sur la plateforme Opensea, le sac iconique Birkin de la Maison Hermès sous la forme de NFT intitulés « Metabirkins », l’artiste américain Mason Rothschild défie, une nouvelle fois, la notion même de propriété intellectuelle. L’artiste n’en est pas à son coup d’essai puisqu’il avait déjà repris ce modèle sous la forme d’un NFT intitulé « Baby Birkin ». L’affaire est actuellement pendante devant les tribunaux de l’Etat de New York sur saisine de la Maison Hermès.

Mason Rothschild apparait inscrire les faits dans une démarche artistique. Ce faisant, il entend se prévaloir de la théorie du "fair use" laquelle, en droit américain, constitue une exception aux droits exclusifs d’un auteur sur sa création. On ne saurait préjuger de la position du tribunal saisi quant au bénéfice de cette exception et plus généralement quant aux faits de l’espèce et aux fondement invoqués par la Maison Hermès.

Les faits questionnent, cependant, à l’aune du droit français, quant à la protection des titulaires de droits antérieurs.

Du point de vue des droits d'auteur, la question se pose de savoir si, dans un cas similaire, le droit d'auteur français offrirait au titulaire d’une création antérieure des moyens de défense contre l'utilisation non autorisée de celle-ci.

Sans préjudice des droits moraux de l’auteur, le titulaire des droits patrimoniaux afférents à une création se voit reconnaître le droit de s'opposer à toute reproduction ou représentation non autorisée. La création d’une œuvre seconde fondée sur une œuvre première ne saurait dédouaner l’auteur second d'obtenir l’autorisation du titulaire premier, sauf à s’inscrire dans l’une des exceptions limitativement énumérées par le Code de la propriété intellectuelle.

Dès lors que la création seconde est constituée par la reprise, non pas accessoire ou incidente mais intégrale de la création première, sans s’inscrire dans un but information, mais assortie d’une intention humoristique ou critique, comme apparait l’avancer Mason Rothschild dans l’espèce qui le concerne, l’exception de parodie, du pastiche ou de la caricature pourrait être soutenue.

Si cette intention serait sans nul doute sujette à débat, il conviendrait, en outre, non seulement que la création seconde se distancie suffisamment de la première afin d'éviter une confusion, mais encore que la création seconde exclut une volonté de s'approprier la création première. C'est probablement là que le bât blesserait pour l’auteur second dans un cas similaire à celui concernant Mason Rothschild.

Par ailleurs et à y regarder de plus près, les faits de l’espèce n’apparaissent pas totalement exclure que la démarche puisse être assimilée à une offre à la vente d’une version dématérialisée du produit en cause, de surcroit en la désignant expressément sous la marque de celui-ci.

Du point de vue du droit des marques, tout usage non autorisé dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire à une marque antérieure enregistrée pour des produits et/ou services identiques ou similaires à ceux couverts par ladite marque, constitue une contrefaçon s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. Le risque de confusion est évalué à l’issue d’une comparaison entre les produits et/ou services en cause et des ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

En outre et en application du principe de spécialité, si le fait d’utiliser une marque en relation avec des produits et/ou services qui ne sont pas identiques ou similaires à ceux couverts par la marque antérieure, ne constitue pas un usage illicite, il en va différemment en présence d’une marque de renommée dès lors que l’usage du signe litigieux est effectué sans juste motif et qu’il tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il lui porte préjudice.

Dans une hypothèse similaire à celle du « Metabirkins », se poserait au premier chef la question de savoir si cet usage relève ou non d’un usage à titre de marque. Mais plus généralement, au regard de la multiplication des déclinaisons de produits sous forme virtuelle, une interrogation surgit : quand bien même une marque ne jouirait pas d’une renommée, la protection offerte par l’enregistrement d’une marque pour un produit ne doit-elle pas couvrir non seulement le produit physique mais encore sa version virtuelle ? A titre d’exemple, une marque protégée pour des produits de maroquinerie en classe 18 ne devrait-elle pas pouvoir être opposée à un usage pour ces mêmes produits offerts à la vente sous la forme d’un objet virtuel ? La dématérialisation d’un sac n’ôterait pas en ce sens la qualification de « sac » au produit dématérialisé, les produits en cause pouvant dès lors être considérés comme identiques et le risque de confusion apprécié à ce titre.

On relève que certains titulaires de marque ont procédé à des nouveaux dépôts pour des produits virtuels téléchargeables en classe 9. En ce sens, on note la demande de dépôt effectuée récemment par Nike pour désigner notamment des « produits virtuels téléchargeables, à savoir des programmes informatiques présentant des chaussures, des vêtements, des couvre-chefs, des lunettes, des sacs, des sacs de sport, des sacs à dos, des équipements sportifs, des jouets et des accessoires à utiliser en ligne et dans des mondes virtuels en ligne » en sus des enregistrements dont la marque dispose d’ores et déjà au titre des produits physiques correspondants. La démarche est prudente mais elle sous-tend que tous les titulaires de marques, quel que soit leur secteur d’activité, doivent envisager une protection tenant compte plus de la technologie employée que du produit effectivement offert au travers de celle-ci.

Comme Mason Rothschild apparait le déclarer, le recours à une technologie telle que les NFT ne doit pas affecter la perception de son travail. Dans cette même logique, la dimension technologique de l’espace numérique dans lequel nous entrons, ne devrait pas plus affecter la transposition des protections offertes dans la réalité physique.

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