21 mai 2020
La proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet (plus connue sous le nom de « loi Avia ») a récemment été adoptée par le Parlement. Cette loi vise à lutter contre la diffusion des propos et contenus haineux sur Internet, en mettant en place des obligations de retraits quasi-instantanés et en renforçant les règles de responsabilité et sanctions applicables en cas de non-respect de ces nouvelles exigences. La majorité de ces nouvelles règles est destinée à être appliquée aux plateformes en ligne et aux moteurs de recherche atteignant un certain seuil d’activité en France (seuil qui sera précisé ultérieurement par décret), et ce quel que soit le lieu d'implantation de ces entreprises.
L'objectif du gouvernement français est que la loi soit promulguée et les décrets d’application publiés avant l'été, afin de garantir que nouvelles règles entrent effectivement en vigueur à compter du 1er juillet 2020.
Si la version finale de la loi a été adoptée, le Conseil constitutionnel a été saisi aux fins de contrôle de la loi, ce qui laisse la possibilité au Conseil de censurer et apporter de nouvelles modifications au texte.
Les principales dispositions du texte, tel qu’approuvé par le Parlement le 13 mai dernier, sont les suivantes :
Le droit français applique déjà un régime spécifique à la suppression des contenus en ligne relatifs à l’apologie ou à la provocation d'actes terroristes ou de pédopornographie. En vertu de ce régime spécifique, la notification de retrait est effectuée par l’autorité administrative et est opposable à tout service en ligne.
Ce régime spécifique permet également aux autorités administratives de demander aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ou aux moteurs de recherche de bloquer l'accès aux adresses web renvoyant vers les contenus si ces contenus ne sont pas retirés dans le délai de retrait requis ou si l'autorité n'est pas en mesure d'identifier et de notifier les services en ligne responsables de la publication desdits contenus.
La loi Avia ne modifie pas de manière significative ce régime spécifique mais raccourcit l'obligation de retrait en réduisant le délai de retrait à compter de la notification, de 24 heures à 1 heure.
La loi Avia introduit un nouveau délai de 24 heures de retrait des contenus haineux notifiés. Le périmètre des contenus visés aux termes de la loi est large et comprend notamment tout contenu qui relève manifestement de :
Sans préjudice du régime spécifique applicable à la pédopornographie et à l’apologie du terrorisme sur notification des autorités administratives, les contenus haineux peuvent être notifiés par toute personne, à condition toutefois que la notification soit conforme aux obligations fixées par la loi. La loi Avia simplifie toutefois considérablement les règles de formalisme des notifications dans ce cadre.
Ce nouveau régime de retrait des contenus haineux n'est toutefois applicable qu’aux plateformes en ligne et aux moteurs de recherche atteignant un certain seuil d'activité en France (à préciser par décret). La définition légale de “plateforme en ligne" s’entend de toute personne ou organisme professionnel offrant un service en ligne permettant l'intermédiation de plusieurs parties afin d'échanger des contenus publics en ligne. La définition légale de “moteur de recherche“ s’entend de toute personne ou organisme professionnel offrant un service en ligne dont l’activité́ repose sur le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus proposés ou mis en ligne par des tiers.
Outre l'obligation de retrait sous 24 heures, les plateformes en ligne et les moteurs de recherche entrant dans le champ d'application de la loi devront également employer les moyens adéquats à la lutte contre la diffusion de contenus haineux, notamment en se conformant aux délibérations du Conseil de l'audiovisuel (CSA), pour la bonne application des obligations suivantes :
La loi Avia introduit également de nouvelles règles de filtrage des contenus haineux. Plus précisément, lorsqu'une décision judiciaire aura prononcé une mesure de blocage de l'accès à un service en ligne publiant un contenu haineux, les autorités administratives seront en droit d'exiger des FAI qu'ils empêchent l'accès à tout service en ligne reprenant le même contenu pendant la durée des mesures ordonnées par la décision. L'autorité pourra également demander aux moteurs de recherche de déréférencer le contenu illégal de leurs résultats de recherche.
L’autorité tient également à jour une liste des services de communication au public en ligne ayant fait l’objet d’une demande de blocage d’accès qu’elle met à la disposition des annonceurs (comprenant les ad servers) pour la durée des mesures prononcées par l’autorité judiciaire. Tant que les services de communication au public en ligne ayant fait l’objet d’une demande de blocage d’accès figurent sur la liste tenue par l’autorité, les annonceurs en relation avec ces services sont tenus de rendre publique au minimum une fois par an sur leurs sites internet l’existence de ces relations et de les mentionner au rapport annuel s’ils sont tenus d’en adopter un.
La loi Avia augmente le montant des sanctions pénales encourues pour tout manquement aux règles de retrait. L’amende encourue la plus élevée est désormais de 250 000 euros pour les personnes physiques et peut être portée à 1 250 000 euros pour les personnes morales. Il convient de noter que cette amende maximale est unifiée et est désormais identique à tous les différents régimes de notification et de retrait, c'est-à-dire le régime administratif applicable aux contenus pédopornographiques et faisant l’apologie du terrorisme, le nouveau régime applicable aux contenus haineux, mais aussi le régime général de notification et de retrait existant s’appliquant à tout contenu manifestement illicite, incluant notamment les contenus contrefaisants.
En ce qui concerne le nouveau régime applicable aux contenus haineux, le CSA sera désormais l’autorité chargée de réguler ce nouveau régime. Pour cela, divers pouvoirs d'enquête et de sanctions lui sont confiés par la loi Avia, y compris le droit de requérir des plateformes en ligne et moteurs de recherche toute information pertinente et notamment les principes et méthodes de tout algorithme utilisé pour se conformer à la loi.
Mais surtout, le CSA peut désormais mettre en demeure toute plateforme en ligne ou tout moteur de recherche entrant dans le champ d'application de la loi de s’y conformer dans un délai qu'il fixe. S'il n'est pas remédié à la violation, le CSA peut imposer une sanction pouvant aller jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial du groupe ou 20 000 000 d'euros. Les sanctions et mises en demeure prononcées par le CSA peuvent être rendues publiques selon les modalités qu'il détermine.
La loi Avia introduit ici des pouvoirs et sanctions administratives comparables à ceux accordés à la CNIL dans le cadre du RGPD.
A comparative overview of the implementation of Art. 17 and Artt. 18-23 of the DSM Copyright Directive in Germany, Spain, France, Italy and the Netherlands
par plusieurs auteurs
Flash IP/IT
par plusieurs auteurs
Flash IP
par Marc Schuler et Inès Tribouillet